Apriès, Ahasis et Psahménit (600-525 av. J.C.)

Psammis et Apriès (600-569 av. J.C.)

Le successeur de Néchao, Psammis, ne régna que six ans (594 av. J.C.). Apriès, qui vint après lui, voulut soumettre les Grecs de Cyrène. Mais cette expédition échoua. Les soldats crurent qu’il les avait envoyés si loin à travers le désert dans le dessein de les faire périr, et se révoltèrent contre lui. Il fit partir pour les apaiser un de ses officiers, Amasis.

Révolte d’Amasis (570 av. J.C.)

Tandis que ce chef les exhortait à rentrer dans le devoir, un Egyptien se glissa derrière lui et lui couvrit la tête d’un casque, en disant qu’ils le voulaient tous pour roi. Amasis se laissa faire et marcha avec eux contre Apriès. Le prince pensa qu’il suffirait d’un mot pour apaiser la révolte : il chargea un des hommes les plus distingués de sa cour, Patarbémis, d’aller prendre Amasis et de le lui amener vivant. Patarbémis se rendit dans le camp des rebelles et signifia à Amasis l’ordre de le suivre. « Va dire à celui qui t’envoie », répondit-il, « qu’Apriès me verra arriver bientôt en nombreuse compagnie. » L’envoyé se hâta de rapporter ces mauvaises nouvelles. Le roi refusa de le croire, et le regardant comme un traître, lui fit couper le nez et les oreilles. Ce traitement injuste acheva de lui aliéner ceux qui lui étaient restés fidèles.

Il alla cependant à la rencontre d’Amasis avec 30000 hommes; mais il fut défait et pris. Amasis le traita d’abord avec bonté, et lui donna pour prison le palais de la ville de Saïs, jusqu’à ce que les Egyptiens, lui reprochant de laisser vivre leur ennemi et le sien, l’obligèrent à leur livrer Apriès. Dès qu’ils l’eurent entre les mains, ils l’étranglèrent.

Amasis, le vase d’or (569-526 av. J.C.)

Amasis était de basse condition, et à cause de cela peu considéré de quelques-uns des grands de sa cour. Il leur donna une leçon publique qui fit tomber ces préventions. Parmi les choses précieuses qui lui appartenaient, se trouvait un bassin d’or où lui et ceux qui mangeaient à sa table avaient coutume de se laver les pieds. Il ordonna qu’on le mît en pièces et qu’on en fît la statue d’un dieu, qu’il plaça dans l’endroit le plus apparent de son palais. Personne ne manqua d’aller adorer l’image divine. Alors Amasis les réunit et leur dit : « Ce dieu à qui vous montrez tant de respect était hier un bassin servant aux plus vils usages. Il en est ainsi de moi; j’étais peu de chose d’abord, aujourd’hui je suis votre roi; rendez-moi donc les hommages qui sont dus à la dignité royale. » Depuis ce jour, il fut respecté de tous ses sujets.

Vigilance et modération d’Amasis (569-526 av. J.C.)

Il s’occupait activement des soins du gouvernement et on le voyait, depuis l’aurore jusqu’au milieu du jour, s’appliquer à juger les causes qui se présentaient; mais il n’était pas ennemi des plaisirs honnêtes et d’un repos mérité. Comme quelque personnage austère lui en faisait le reproche : « Ne savez-vous pas », lui répondit-il, « qu’on ne bande un arc que lorsqu’on en a besoin, et qu’après qu’on s’en est servi, on le détend! Si on le tenait toujours bandé, il se romprait et ne serait bon à rien, quand il faudrait s’en servir. Ainsi de l’homme; il est nécessaire qu’il repose son esprit, trop longtemps tendu aux choses sérieuses. » Mais il voulait que ce repos n’arrivât qu’après le travail. Aussi il ordonna que chaque année tout Egyptien déclarerait au magistrat quels étaient ses moyens d’existence. Celui qui ne pouvait prouver qu’il vivait par des moyens honnêtes était puni de mort. L’Athénien Solon emprunta cette loi à l’Egypte et la plaça dans sa constitution.

Prospérité de l’Egypte sous Amasis (569-526 av. J.C.)

Amasis fut le dernier grand prince de la vieille Egypte. Sous lui, le pays fut aussi florissant qu’il ne l’avait jamais été. Vingt mille villes, disaient les prêtres, qui mettaient dans ce nombre les villages, les hameaux, et sans doute des maisons, couvraient les bords du Nil. Le commerce était actif, le peuple laborieux et les dieux honorés.

Alliance d’Amasis avec les étrangers (569-526 av. J.C.)

Ce prince ne fit pas de guerre, si ce n’est contre les Chypriotes qu’il obligea à lui payer tribut, mais il noua d’étroites relations avec les Etats voisins, avec les rois d’Assyrie et de Lydie, avec les Grecs de Cyrène; et lorsqu’un incendie eut détruit le temple de Delphes, il donna 1000 talents d’alun pour aider à payer les frais de sa reconstruction1.

1. Le talent, comme poids valait 26 kilogr. 407 gr.

Le roi de Perse Cyrus demande un médecin à Amasis (569-526 av. J.C.)

Amasis vit se former l’orage qui, au règne suivant, fondit sur l’Egypte. Les maladies des yeux ont été de tout temps fréquentes dans la vallée du Nil, à cause du sable fin et brûlant que le vent soulève incessamment. Les malades font les médecins, et si l’Egypte avait déjà un triste renom pour ces sortes de maux, elle avait aussi ceux qui les guérissaient le mieux. Cyrus, roi de Perse, fit un jour demander à Amasis, de lui envoyer le meilleur médecin qu’il y aurait, dans ses Etats, pour les ophthalmies. Amasis choisit l’homme le plus habile.

Mais c’était un exil d’où il ne fallait pas songer à revenir. Le médecin ne revit plus jamais sa femme ni ses enfants, et il en garda une mortelle rancune contre son roi. Pour se venger, il poussa Cambyse, fils de Cyrus, à demander qu’Amasis lui donnât sa fille comme épouse. Il savait bien que le prince égyptien haïssait les Perses autant qu’il les redoutait et qu’il ne voudrait pas livrer sa fille à ses ennemis. Cependant Amasis hésitait aussi à refuser. Il espéra tromper Cambyse et lui envoya, sous le nom et le costume de sa fille, une fille d’Apriès. La ruse découverte, le roi de Perse entra dans une grande colère, et ce fut là, disaient les Perses, la cause de son expédition contre l’Egypte, qui sera racontée dans l’histoire des Perses.

Conquête de l’Egypte par les Perses (525 av. J.C.)

Six mois après, les Perses attaquèrent l’Egypte. Psamménit, fils d’Amasis, fut vaincu à Memphis, et mis à mort par Cambyse, l’Egypte passa sous la domination étrangère (525 av. J.C.). Depuis ce jour l’Egypte ne s’appartint plus, bien qu’elle protestât fréquemment par des révoltes contre le joug de l’étranger. Province persique, elle fut conquise par Alexandre en 331 av. J.C. Ptolémée y fonda la dynastie des Lagides (323 av. J.C.), que les Romains renversèrent trente ans avant notre ère, après la mort de Cléopâtre.