Auguste (30 av. J.C.- 14 ap. J.C.)

Octave empereur sous le nom d’Auguste (30-13 av. J.C.)

Antoine mort et l’Egypte réduite en province romaine, Octave revint à Rome. Il était assez fort pour renverser violemment la république et instituer ouvertement la monarchie. Il se souvint de son père adoptif et des ides de mars. Il résolut d’arriver au même but par des voies détournées. Il ménagea tout ce qui restait de l’ancien régime, et sut se faire donner, sans avoir l’air d’y prétendre, toutes les charges et tous les pouvoirs.

Mais, avant tout, il faut à Octave l’armée, meilleure garantie à une pareille époque, que tous les décrets et que toutes les magistratures. Il ne veut donc à aucun prix licencier ses légions, et, pour rester à leur tête, il se fait décerner, en l’an 29 avant J.C., par le sénat le nom d’imperator. En l’an 29 avant J.C., il fut décoré du titre d’empereur. Non pas ce simple titre d’honneur que les soldats donnaient sur le champ de bataille aux consuls victorieux, mais cette charge nouvelle, sous un vieux titre, que César avait eue et qui conférait le commandement suprême de toutes les forces militaires de l’empire. Les généraux deviennent ainsi ses lieutenants, les soldats lui jurent fidélité, et il exerce le droit de vie et de mort sur tous ceux qui portent l’épée.

En l’an 28, il reçut le titre de prince du sénat ou premier sénateur, ce qui lui permettait de diriger les délibérations de cette assemblée.

16 janvier 27 av. J.C. : création de l’Empire

Aux premiers jours de l’an 27 av. J.C., Octave se rend à la curie; il déclare que, son père étant vengé et la paix rétablie, il a le droit de renoncer aux fatigues du gouvernement et de prendre sa part du repos et des loisirs que ses victoires avaient faits à ses concitoyens; en conséquence il dépose ses pouvoirs entre les mains du sénat.

Le plus grand nombre fut frappé de stupeur. Les uns craignent; d’autres, plus clairvoyants, doutent. On a vite le mot de cette partie jouée, avec un grand sérieux, à la face de Rome. Ceux qui étaient dans le secret ou à qui on l’avait laissé deviner se récrient contre ce lâche abandon de la république. Octave hésite, mais le sénat tout entier le presse : il accepte enfin, et une loi votée par le peuple, sanctionnée par les pères conscrits, lui confirme le commandement suprême des armées, qu’il augmentera ou diminuera à son gré, avec le droit de recevoir les ambassadeurs et de faire la paix ou la guerre. Les formes sont sauvées et la légalité sera acquise au despotisme. Le caractère de la nouvelle monarchie se montre aussitôt. Le premier décret demandé par Auguste au sénat est celui qui double la solde des prétoriens.

Du reste Octave continue son rôle de modération affectée. Ce titre d’imperator qu’on lui offre à vie, il ne le veut que pour dix ans, pour moins encore, s’il achève plus tôt la pacification des frontières. Le commandement des armées exige et entraîne le commandement dans les provinces, et les sénateurs les avaient toutes placées sous son autorité absolue, en l’investissant de la puissance proconsulaire; il s’effraye d’une telle charge; qu’au moins le sénat partage avec lui. Il lui laisse les régions calmes et prospères de l’intérieur, il prendra pour lui celles qui s’agitent encore ou que les barbares menacent. Le sénat se soumet à la nécessité d’administrer la moitié de l’empire. Dans la ferveur de la reconnaissance, on cherche un nom nouveau pour celui qui ouvre à Rome une ère nouvelle. Munacius Plancus propose le titre d’Auguste, qu’on ne donnait qu’aux dieux. Le sénat et le peuple saluent de leurs acclamations répétées cette demi apothéose (17 janv., 27 av. J.C.). La carrière est ouverte à l’adulation, tous s’y précipitent; un tribun, Pacuvius, se dévoue à Auguste et jure de ne pas lui survivre. Une foule insensée et servile répète après lui le même serment. La longue vie du prince les dispense de tenir parole, et le tribun aura tout le loisir d’exploiter son dévouement.

Le partage des provinces rend nécessaire une autre innovation qui sera accomplie plus tard; on partage aussi les revenus. Le trésor public, aerarium, est laissé au sénat, et on créé pour l’empereur une caisse particulière, que doivent alimenter certains impôts et les contributions des provinces impériales. Avec sa générosité toujours si bien calculée, Auguste y fait porter, pour premier fonds, une somme considérable.

En l’an 23, il eut la puissance tribunitienne qui le rendait inviolable, et le pouvoir proconsulaire perpétuel qui mettait entre ses mains le gouvernement des provinces.

En l’an 19, il se fit donner l’autorité consulaire à vie et la censure sous le nom de préfecture des moeurs : c’étaient des fonctions purement civiles, mais la première faisait de lui le représentant et le chef légal de l’Etat; la seconde lui donnait le droit de composer le sénat et l’ordre équestre à son gré.

Enfin en l’an 13, à la mort de Lépide, il prit la charge de grand pontife, ce qui le fit chef suprême de la religion. Depuis longtemps on ne l’appelait plus Octave, mais Auguste, nom qui jusqu’alors avait été réservé aux dieux.

C’est la réunion de tous ces pouvoirs entre les mains d’Auguste et de ses premiers successeurs qui forma ce qu’on appelle l’autorité impériale.

Son règne de 44 ans fut employé à organiser doucement la monarchie. Le sénat subsista comme conseil suprême de l’Etat, mais épuré, et Auguste, tout en lui ôtant le pouvoir réel, augmenta ses attributions; il le chargea du jugement de toutes les causes politiques et des procès importants. Le peuple garda aussi ses assemblées, mais pour la forme, les élections publiques n’étant plus que la confirmation des choix faits par le prince.

Armée permanente (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Le pouvoir d’Auguste reposant sur les soldats, il voulut une armée permanente; mais cette armée, composée de quatre cent mille hommes, il la rangea le long des frontières, dans des camps retranchés, pour faire face aux barbares. Une garde particulière, les cohortes prétoriennes, veilla à la sécurité du prince. Des flottes à Fréjus, à Misène, à Ravenne faisaient la police de la Méditerranée. Des flottilles stationnaient sur le Danube et l’Euxin.

Gouvernement des provinces (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Il partagea les provinces avec le sénat, lui laissa celles de l’intérieur, plus tranquilles, et se réserva celles des frontières où se trouvaient les légions. Il les fit gouverner par des légats impériaux qui restèrent en place tant qu’il lui plut. Innovation salutaire, car ces officiers, retenus longtemps en charge, purent étudier et connaître les besoins de leurs administrés, et les provinces n’eurent plus à faire chaque année la fortune d’un nouveau gouverneur.

Vigilance et libéralité d’Auguste (30 av. J.C.-13 av. J.C.)

Si tout appartenait à Auguste, son temps aussi, ses soins, sa fortune même appartenait à tous. Pendant ses longs voyages dans les provinces il soulageait les villes obérées et rebâtissait celles que quelque fléau avait détruites. Une année même il paya de ses deniers tout l’impôt de la province d’Asie.

Douceur du gouvernement d’Auguste (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Pendant le triumvirat, Octave s’était montré cruel; Auguste pardonna presque toujours. Cinna avait voulu l’assassiner, il le gagna par la clémence.

Routes, postes, ordre public, développement du commerce (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Pour rendre plus faciles l’administration des provinces et le maintien de l’ordre public, il répara les routes de l’Italie, fit faire celles de la Cisalpine et couvrit de chemins toute la Gaule et la Péninsule Ibérique.

Sur ces routes un service de postes régulier fut organisé. Les messagers du prince et les armées se portèrent rapidement d’une province à l’autre : l’ordre put être partout maintenu, parce que la répression devenait partout certaine et immédiate : le commerce aussi y gagna, puisqu’il lui faut surtout pour prospérer de bonnes routes et de la sécurité.

Embellissements de Rome (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Auguste donna une attention particulière à tenir le peuple de Rome toujours repu de jeux et de distributions de vivres, pour qu’il oubliât ses anciens droits. Il lui embellit sa ville par de nombreuses constructions, créa un préfet et des cohortes urbaines pour veiller à la tranquillité publique, des gardes nocturnes pour prévenir ou arrêter les incendies. Et il se vanta de laisser de marbre une ville qu’il avait trouvée de briques.

Guerres pour dompter les peuples de l’intérieur et donner à l’empire de bonnes frontières (30 av. J.C.-14 ap. J.C.)

Un empire aussi vaste, et qui de tous côtés touchait aux barbares, ne pouvait compter sur une paix absolue. Après Actium, Auguste y avait cru, et avait fermé pour la troisième fois les portes du temple de Janus. Cependant l’empire n’avait pas encore trouvé ses limites naturelles. Dans les provinces mêmes, il restait quelques peuples à soumettre.

Dans les Pyrénées, les Astures et les Cantabres gardaient leur liberté, il la leur prit. Les Salasses interceptaient les passages des Alpes occidentales, il les dompta. Pour mettre l’Italie à l’abri d’une invasion, il fallait être maître du cours du Danube; Drusus et Tibère soumirent, en l’an 16, les peuples de la Rhétie (Tyrol) et de la Vindélicie (Bavière). Pour ne pas être inquiété sur la rive gauche du Rhin, il fallait chasser loin de la rive droite les tribus germaniques. En l’an 9, Drusus pénétra jusque sur les bords de l’Elbe, et, après sa mort, Tibère, son frère, prit des quartiers d’hiver au coeur même de la Germanie. En Orient, les Parthes se vantaient d’avoir vaincu deux fois les Romains, il les obligea de lui restituer les drapeaux enlevés à l’armée de Crassus.

Varus (9 ap. J.C.)

Cette politique si constamment heureuse n’éprouva qu’un échec. Trois légions de Germanie attirées dans une embuscade par un jeune chef des Chérusques, Hermann (Arminius), y périrent avec leur général Varus. C’était la Germanie du nord qui se soulevait et refoulait sur le Rhin la domination romaine (9 de J. C). « Varus! Varus, rends-moi mes légions, » s’écriait douloureusement Auguste. Par bonheur, les Germains se divisèrent; Tibère eut le temps d’accourir en Gaule. Il fortifia tous les châteaux le long du Rhin, rétablit la discipline, et, pour ramener un peu de confiance, risqua même les aigles au-delà du fleuve, mais sans faire de conquête. La défaite de Varus avait décidé que la domination romaine ne franchirait pas le Rhin et montré que de ce côté étaient les plus grands périls.

Dernières années d’Auguste (9-14 ap. J.C.)

Auguste finit son règne dans le deuil et dans l’isolement. Il avait vu mourir l’un après l’autre tous ceux qui lui étaient chers : sa soeur Octavie, son neveu Marcellus, le grand Agrippa, son lieutenant, Drusus, un des fils de Livie, Mécène, son conseiller, et ceux qui ont valu, par leurs écrits, à la plus belle période de la littérature latine le nom de siècle d’Auguste, Horace et Virgile. Il avait été contraint d’exiler sa fille Julie à cause de ses désordres, dans l’îlot de Pandataria. Elle avait trois fils, Caïus, Julius et Agrippa Posthume. Les deux premiers moururent, et le troisième se rendit si odieux par ses débauches, que son aïeul le relégua dans l’île de Planasia. La soeur d’Agrippa Posthume, la seconde Julie, accusée des mêmes crimes que sa mère, fut exilée comme elle, et le vieil empereur ne trouva plus dans son palais, de toute la famille impériale, que le fils de l’impératrice Livie, Tibère, qu’il avait adopté. Il mourut le 19 août de l’année 14, durant un voyage en Campanie, à l’âge de 76 ans moins 35 jours.