Néron (54-68)

Commencements de Néron (54)

Comme Caligula, Néron s’annonça bien. Il diminua les impôts, rendit la justice avec équité, honora le sénat, se montra plein de zèle pour la chose publique « Que je voudrais ne pas savoir écrire! » disait-il un jour qu’on lui présentait à signer l’arrêt de mort d’un criminel. Et une autre fois que le sénat lui adressait des actions de grâces : « Attendez que je les mérite. »

Sénèque et Burrhus (54-55)

Le philosophe Sénèque, son précepteur, et Burrhus son préfet du prétoire, semblaient avoir réussi à contenir les fougueuses passions de leur élève; mais l’ambition d’Agrippine perdit tout. Elle voulut exercer sur Néron cette domination qui avait avili Claude. Pour combattre l’influence de la mère, Sénèque et Burrhus accordèrent aux vices naissants du fils une sorte de tolérance.

Meurtre de Britannicus (55)

Il se montra tel qu’il était le jour où il empoisonna dans un festin son frère adoptif Britannicus. Il le vit d’un oeil sec expirer à sa table, à ses côtés. Quand le jeune prince tomba comme foudroyé par le poison. « Ce n’est rien », dit-il, « depuis son enfance il est sujet à ces évanouissements » (55). Un autre jour il fit tuer sa femme Octavie.

Meurtre d’Agrippine (59)

Sa mère même ne trouva pas grâce devant lui. Elle l’importunait en lui rappelant qu’elle lui avait donné l’empire. Elle le fatiguait de conseils et de reproches. Après une rupture, il l’attira à Baïes sous prétexte d’une réconciliation. Elle s’embarqua; mais le vaisseau était construit de telle sorte qu’à un signal donné par le pilote, il devait s’entr’ouvrir en pleine mer. Le coup manqua pourtant; Agrippine se sauva à la nage, mais Néron la fit poignarder par des soldats. Burrhus vint lâchement lui offrir des félicitations de la part des soldats, et sur la proposition de Sénèque des actions de grâces furent rendues aux dieux dans tous les temples de la ville pour avoir sauvé l’empereur des complots de sa mère. Voilà à quel degré d’avilissement le peuple romain était tombé.

Folies de Néron (59-64)

Aux crimes s’ajoutèrent les plus indignes folies. On le vit conduire des chars dans l’arène, et même durant ses voyages dans les provinces monter sur le théâtre pour y chanter et y jouer de la lyre. L’empereur se ravalait au rang d’histrion.

L’incendie de Rome (64)

Si l’on ne peut lui imputer avec certitude l’incendie de Rome, il n’est que trop prouvé qu’il en prit occasion de persécuter les chrétiens. On les enveloppait de peaux de bêtes pour les faire déchirer par des chiens; on les mettait en croix, ou l’on enduisait leur corps de résine, et Néron s’en servit une nuit comme de flambeaux pour éclairer ses jardins (64). Rome fut reconstruite sur un nouveau plan. La modeste habitation d’Auguste se changea en un palais immense qui renfermait des lacs, des forêts: on l’appela la Maison d’or (Maison dorée). Pour suffire à ces dépenses, aux frais de ses festins, de son luxe, de sa prodigalité, Néron multiplia les exils, les confiscations et mit les emplois à l’encan.

Mort de Sénèque et de Lucain (65)

Cependant il se forma une vaste conspiration dans laquelle entrèrent les plus illustres citoyens de Rome. Mais les agents de l’empereur la découvrirent, et il y eut d’innombrables victimes. Sénèque, le poète Lucain, qui dans la Pharsale avait chanté la guerre civile, furent contraints de se faire ouvrir les veines, ainsi que Thraséas, l’honneur de Rome par sa vertu.

Nouvelles folies, nouveaux meurtres (65-68)

Dès lors, Néron ne garda plus de mesure: il osa monter, à Rome même, sur le théâtre; puis il alla en Grèce, disputa le prix de la lutte et du chant aux athlètes et aux artistes, et revint avec dix-huit cents couronnes que les Grecs avaient facilement accordées à un prince qui, en retour, les exemptait d’impôts.

Néron forcé de se tuer (68)

L’empire se lassa d’obéir à un mauvais chanteur, comme disait Vindex. Tous les généraux se sentaient menacés depuis la mort de Corbulon. Ce grand capitaine, qui par sa seule présence avait arrêté une invasion des Parthes en Orient, avait, en récompense de ses services, reçu l’ordre de se tuer. « Je l’ai bien mérité », dit-il, en se frappant de son épée (67). Vindex, propréteur en Gaule, fut plus hardi : il proclama empereur Sulpicius Galba, gouverneur de l’Espagne Tarraconaise. Mais, vaincu par Virginius, il se donna la mort.

Les légions victorieuses offrirent l’empire à leur général. Virginius le refusa. Il n’en était pas moins ennemi de Néron qu’à Rome tout le monde abandonnait, même son préfet du prétoire. Réduit à fuir, le tyran chercha un asile dans la métairie d’un de ses affranchis; mais on trouva sa trace. Après beaucoup d’hésitation, il s’enfonça lui-même un poignard dans la gorge (68) en s’écriant : « Ah! Quel artiste le monde va perdre ! »