Romulus (753-715 av. J.C.)

Romulus ouvre un asile

Romulus avait peu de compagnons; pour augmenter leur nombre, il ouvrit un asile sur le mont Capitole. Quiconque dans le Latium et l’Italie voulut échanger une condition mauvaise contre l’état de citoyen romain, le débiteur, l’esclave, même le meurtrier, put accourir dans la nouvelle cité; il y trouva un asile inviolable.

Enlèvement des Sabines

Cette manière de peupler une ville n’inspira pas aux habitants du voisinage le désir d’entrer en relations étroites avec Rome, et quand Romulus leur fit demander de s’unir à son peuple par des mariages, partout on refusa avec mépris : « Ouvrez aussi », disait-on, « un asile pour les femmes perdues de l’Italie. » L’affront était sanglant. Romulus dissimula sa colère et quelque temps après annonça l’intention de célébrer avec magnificence les fêtes du dieu Consus. Il y invita tous ses voisins. Cette fois on y accourut en foule, surtout les Sabins, pour voir les jeux, pour voir aussi la cité nouvelle et le nouveau peuple. Mais au milieu du spectacle, Romulus élève un voile rouge. A ce signal, les romains se précipitent sur les spectateurs, arrachent les jeunes filles des bras de leurs mères, écartent les Sabins; les dispersent et les forcent à sortir de la ville. Ils s’éloignèrent en criant vengeance contre Rome.

Mais une attaque demandait déjà de la prudence, car Romulus avait donné aux siens une excellente organisation militaire. Il les avait partagés en trois corps de mille hommes chacun, qu’on appelait curies, chaque curie en dix décuries de cent hommes à cheval nommés Chevaliers. Ainsi l’armée romaine se composait de trois mille hommes d’infanterie et de trois cents cavaliers. Elle était commandée par le roi. Chaque curie avait un chef nommé tribun, chaque décurie son décurion. Cette sage ordonnance rendait la discipline facile, et quoique peu nombreuses, les troupes romaines étaient déjà redoutables.

Défaites des premiers ennemis de Rome

Les peuples outragés n’écoutant que leur légitime colère, prirent les armes, mais commirent la faute qui perdit plus tard tous les ennemis des romains. Ils ne combinèrent pas leur attaque et agissant isolément se firent battre les uns après les autres. Les Ceniniens, prêts les premiers, furent aussi les premiers vaincus. Romulus tua leur roi, Acron, et après l’avoir dépouillé de ses armes, les consacra à Jupiter Feretrius, c’est à dire à Jupiter qui frappe. Ce furent les premières Dépouilles Opimes. Rome, dans sa longue carrière de gloire militaire n’en vit consacrés que trois fois, car le droit de faire cette offrande n’était reconnu qu’au général commandant en chef une armée romaine qui avait tué de sa main le général ennemi. Les Antemnates furent aussi vaincus.

Les Sabins de Cures

Restaient des Sabins de Cures; c’étaient le plus puissant des peuples de la Sabine. Commandés par leur roi Tatius, ils marchèrent sur Rome en si grand nombre que Romulus n’osa les attendre en rase campagne et se retira dans la ville. Tatius en forma aussitôt le siège. Mais Rome, bâtie sur deux collines escarpées et garnies de murailles, les monts Capitole et Palatin, était presque imprenables.

La trahison de Tarpéia

Rome fut prise pourtant. Les historiens de Rome, pour cacher une défaite de leur peuple, contaient que les Sabins n’avaient pas réussi à entrer dans la ville que par la trahison d’une femme. Romulus disaient-ils, avait confié la garde de la citadelle du mont Capitole à un vaillant homme, Tarpéius, dont il connaissait la fidélité. Un jour que la fille de ce chef, Tarpéia, sortit des murs pour puiser de l’eau à une source voisine, elle remarqua que les Sabins portaient au bras gauche des bracelets d’or. La vue de cet or la tente, et une pensée mauvaise entre dans son esprit. « Donnez-moi », leur dit-elle, « ce que vous portez au bras gauche et je vous ferai entrer dans la citadelle ? ». Eux le promettent par serment, et à l’heure indiquée se glissent jusqu’à la porte que Tarpéia leur ouvre.

Elle réclame la récompense promise. « La voici » disent-ils, et ils jettent sur elle leurs boucliers d’airain, dont le poids l’écrase. Ils s’étaient engagés à lui donner ce qu’ils portaient au bras gauche : c’était de ce bras que les anciens portaient le bouclier pour se protéger contre les coups, tandis que le bras droit tenait la lance ou l’épée. Une des hauteurs du mont Capitole garda son nom : c’est de la roche Tarpéienne qu’on précipitait les traitres et les scélérats.

Réunion des Sabins aux romains

Les Sabins étaient maître du Capitole; au point du jour ils descendirent de la hauteur, et un combat terrible s’engagea dans le vallon qui sépare le mont Capitole du mont Palatin. Un moment les romains plièrent sous le nombre; mais, dit la tradition, Romulus voua un temple à Jupiter Stator, c’est à dire à Jupiter qui arrête; aussitôt la ligne romaine se raffermit et l’action recommence avec fureur. Tout à coup les Sabines, dont l’enlèvement avait causé cette guerre, se jettent au milieu de la mêlée, malgré les traits qui volent, malgré les épées qui se croisent.

Elles supplient leurs pères d’épargner leurs maris, leurs époux de respecter la vie de leurs frères. Leurs larmes, leurs prières attendrissent ces âmes farouches. Le combat cesse d’un commun accord, et la paix est conclue. Les deux peuples n’en formeront qu’un seul, les deux rois se partageront le commandement : Rome sera la capitale. Les romains se fixèrent sur le mont Palatin, les Sabins sur le Capitole. La place où s’était livrée la bataille resta commune. C’est là même que fut plus tard le Forum, c’est à dire la place publique de Rome.

Victoires et mort de Romulus

Au bout de cinq ans, Tatius fut tué par les Laurentins, auxquels il refusait la justice d’un meurtre; les Sabins consentirent à reconnaître Romulus pour roi. Il se montra digne de leur choix par des victoires qu’il gagna sur les habitants de Fidènes et de Véies. Mais comme il passait la revue de ses troupes, près du marais de la Chèvre, un orage dispersa la foule; quand elle revint, le roi avait disparu. Un sénateur, nommé Proculus, raconta qu’il avait vu Romulus monter au ciel sur le char de Mars, au milieu de la foudre et des éclairs. Le bruit courut que les sénateurs, jaloux de son pouvoir, l’avaient immolé à leurs craintes, et que chacun d’eux, afin de cacher le meurtre, avait emporté sous sa robe un morceau du corps. On fit de la victime un dieu que le peuple adora sous le nom de Quirinus (715 av. J.C.).