Le gouvernement en Egypte (3150-525 av. J.C.)

Les prêtres

Les prêtres formaient en Egypte la corporation la plus puissante. Ils avaient eu longtemps seuls tout le pouvoir. Forcés de partager avec les guerriers et de laisser l’autorité royale à des familles habituellement prises en dehors de la caste sacerdotale, ils entourèrent la vie de ces rois de mille prescriptions religieuses qui retenaient les pharaons dans leur dépendance. Ces prêtres ne se bornaient pas aux fonctions du culte; ils remplissaient une foule d’autres charges dans l’Etat et possédaient la meilleure partie du sol avec le privilège de garder leurs terres exemptes d’impôt. Ces propriétés étaient affermées, et les revenus qui en provenaient étaient employés au service des temples, aux dépenses des fêtes et à l’entretien des prêtres. Chacun de ceux-ci recevait tous les jours une portion des viandes sacrées et de la chair de boeuf et d’oie. On leur donnait aussi du vin, mais il ne leur était pas permis de manger du poisson. Ils étaient obligés à la plus extrême propreté sur eux et dans leur vêtement. « Ils se rasent le corps entier tous les trois jours », dit Hérodote. « Ils ne portent qu’une robe de lin et des souliers de Byblos. Il ne leur est pas permis d’avoir d’autre habit ni d’autre chaussure. Ils se lavent deux fois par jour dans l’eau froide, et autant de fois toutes les nuits. »

Les guerriers

La classe des guerriers était la seconde de l’Etat. Elle possédait de très grands biens et pouvait fournir jusqu’à 400000 hommes armés. Le fils succédait au père, de sorte que l’armée s’accroissait avec la population et que les habitudes militaires ne se perdaient pas. Chaque guerrier avait 12 mesures de terre exemptes d’impôt. 2000 d’entre eux servaient pendant une année de gardes au roi, et alors ils recevaient chacun, par jour, en outre du revenu de leurs terres, 5 mines (2 kilog.) de pain, 2 mines de boeuf et 4 mesures de vin. Lorsque Psammétichus ouvrit l’Egypte aux Grecs et s’entoura de soldats mercenaires, la classe militaire du pays s’en montra froissée, et 240000 guerriers émigrèrent en Ethiopie. Ce fut un malheur pour le pays, dont la vieille organisation militaire se trouva détruite au moment où il était menacé par l’ambition des monarques assyriens et des rois de Perse.

Autres classes

Le reste du peuple était partagé en classes ou corporations. Le fils y succédait habituellement à son père; cependant un homme d’une autre classe pouvait y entrer et l’on pouvait en sortir. Ainsi Amasis était d’une très basse condition, ce qui ne l’empêcha pas de monter au premier rang.

Tout le sol de l’Egypte appartenait au roi, aux prêtres et aux guerriers, de sorte que les agriculteurs n’étaient que de simples fermiers, à peu près comme les serfs du moyen âge.

Le roi

« Les Egyptiens », dit Diodore, « respectent et adorent leurs rois à l’égal des dieux. L’autorité souveraine, dont la Providence a revêtu le monarque, leur paraît être un caractère de la Divinité, car, comme elle, les chefs du peuple répandent les bienfaits et les châtiments. » Les bas-reliefs, en effet, et les inscriptions des monuments montraient le roi comme en continuelle relation avec les dieux, leur offrant ses pieux hommages et recevant leurs dons, c’est-à-dire la force, la puissance et la gloire.

La police dans l’Etat

Les anciens vantaient la sagesse de l’Egypte, et Hérodote a fait venir des bords du Nil presque toute la civilisation grecque. Il y a une portion de vérité dans cette opinion. Ce grand Etat, un des plus anciennement organisés qui aient existé sur la terre, avait, au milieu de beaucoup d’erreurs, trouvé plusieurs vérités et quelques sages institutions. « L’Égypte », dit Bossuet, « était la source de toute bonne police. » En parlant ainsi, il pensait aux lois suivantes que Diodore de Sicile rapporte :

« Le parjure était puni de mort, parce que c’est la réunion des deux plus grands crimes qu’on puisse commettre, l’un contre les dieux, l’autre contre les hommes.

Celui qui voyait dans son chemin un homme aux prises avec un assassin ou subissant quelque violence, et ne le secourait pas lorsqu’il le pouvait, était condamné à mort. S’il était réellement dans l’impossibilité de porter du secours, il devait dénoncer les brigands et les traduire devant les tribunaux. S’il ne le faisait pas, il était condamné à recevoir un nombre déterminé de coups de verges, et à la privation de toute nourriture pendant trois jours.

Ceux qui faisaient des accusations mensongères subissaient, lorsqu’ils étaient découverts, la peine infligée aux calomniateurs.

Il était ordonné à tout Egyptien de déposer chez le magistrat un écrit indiquant ses moyens de subsistance; celui qui faisait une déclaration fausse ou qui gagnait sa vie par des moyens illicites, était condamné à mort.

Celui qui avait tué volontairement soit un homme libre, soit un esclave, était puni de mort; car les lois voulaient frapper, non pas d’après les différences de fortune, mais d’après l’intention du malfaiteur. En même temps, par les ménagements dont on usait envers les esclaves, on les engageait à ne jamais offenser un homme libre.

Les juges qui faisaient mourir un innocent étaient aussi coupables que s’ils avaient acquitté un meurtrier.

Parmi les lois qui concernent les soldats, il y en avait une qui infligeait, non pas la mort, mais l’infamie à celui qui avait déserté les rangs, ou qui n’avait pas exécuté l’ordre de ses chefs. Si plus tard il effaçait sa honte par quelque action d’éclat, il était rétabli dans son poste. Ainsi le législateur faisait du déshonneur une peine plus terrible que la mort, pour habituer les guerriers à regarder l’infamie comme le plus grand de tous les malheurs. Mais ceux qui avaient été punis de cette façon, pouvaient rendre de grands services pour recouvrer la confiance première, tandis que s’ils avaient été condamnés à mort, ils n’auraient plus été d’aucune utilité pour l’Etat.

L’espion qui avait dénoncé aux ennemis des plans secrets, était condamné à avoir la langue coupée.

Les faux monnayeurs, ceux qui falsifiaient les poids et les mesures, ou contrefaisaient les sceaux, ceux qui rédigeaient des écritures fausses ou altéraient les actes publics, étaient condamnés à avoir les deux mains coupées.

Une dette était nulle si le débiteur affirmait, par un serment solennel, ne rien devoir au créancier qui n’était nanti d’aucun titre.

Dans aucun compte, l’intérêt dû ne devait dépasser le capital.

Les biens du débiteur étaient engagés pour ses dettes, mais non sa personne. Le législateur avait pensé que la personne du citoyen appartenait à l’Etat qui, à tout moment, peut le réclamer pour son service, soit dans la guerre, soit dans la paix.

Un Egyptien pouvait emprunter, en donnant en gage la momie de son père. Celui qui ne payait pas sa dette était privé de la sépulture de sa famille ».

Les autres coutumes

Hérodote raconte quelques autres coutumes de ce peuple. « Il n’y a, parmi les Grecs, que les Lacédémoniens qui s’accordent avec les Egyptiens dans le respect que les jeunes gens ont pour les vieillards. Si un jeune homme rencontre un vieillard, il lui cède le pas et se détourne; et si un vieillard survient dans un endroit où se trouve un jeune homme, celui-ci se lève. Lorsque les Egyptiens se rencontrent, au lieu de se saluer de paroles, ils se font une profonde révérence en baissant la main jusqu’aux genoux. »