Les affaires grecques (200-189 av. J.C.)

Déclaration de guerre à Philippe, roi de Macédoine (200 av. J.C.)

Le vainqueur de Zama était à peine descendu de son char de triomphe, que le sénat vint proposer une nouvelle guerre contre la Macédoine. Tout d’une voix, l’assemblée du peuple la repoussa. On avait assez de gloire et de combats, on voulait du repos. Mais le consul rappela l’alliance du roi avec Carthage, ses attaques contre les villes libres de Grèce et d’Asie : « Athènes », dit-il, « sera une nouvelle Sagonte, et Philippe un autre Annibal ». Le peuple céda.

Flamininus en Grèce (198 av. J.C.)

La guerre fut d’abord mal conduite : deux campagnes restèrent sans résultat. Les Romains, pressés d’en finir, élevèrent alors au consulat Flamininus, malgré son jeune âge et bien-qu’il n’eût encore exercé que la questure; sa réputation avait devancé ses services. La discipline rétablie dans l’armée, il attaqua les Macédoniens campés dans une position presque inexpugnable, les battit et s’ouvrit l’entrée de la Thessalie.

Au lieu de revenir, comme ses prédécesseurs, perdre l’hiver en Epire, il prit ses quartiers dans la Grèce centrale, et par son éloquence, gagna la ligue Achéenne; par son adresse, les Béotiens. Ceux-ci hésitaient à se déclarer pour lui. Flamininus leur demande une conférence. Les magistrats sortent à sa rencontre avec les principaux Thébains. Il s’avance presque seul, parle à chacun des députés, les flatte, les distrait. Tout en causant, il arrive aux portes et les mène jusqu’à la place publique, entraînant après lui tout ce peuple avide de voir un consul et d’entendre un Romain qui parle si bien leur langue. Mais 2000 légionnaires suivaient à quelque distance: tandis que Flamininus tient la foule sous le charme, ils s’emparent des portes et des murs. Thèbes était prise.

La bataille des Cynoscéphales (197 av. J.C.)

Au retour du printemps, Flamininus alla chercher le roi de Macédoine en Thessalie, à la tête de 20000 hommes, dont 8000 étaient Grecs. Philippe n’avait pu réunir que 25000 soldats qu’en enrôlant jusqu’à des enfants de seize ans. La bataille se livra dans une plaine parsemée de collines nommées les Têtes de chiens (Cynoscéphales). L’action fut si vite engagée, que Philippe n’eut ni le temps ni les moyens de ranger sa phalange. Sur ce terrain accidenté, elle perdait sa force avec son unité. En peu de temps elle fut rompue par le choc des éléphants que les Romains avaient amenés, par une attaque dirigée sur ses derrières, et par la pression inégale des légionnaires qui tour à tour attaquaient et reculaient. 8000 Macédoniens restèrent sur le champ de bataille.

Philippe n’avait plus d’armée et demanda à traiter. Flamininus lui accorda la paix, mais à de dures conditions. Il dut renoncer à toutes ses conquêtes hors de la Macédoine, réduire sa flotte à cinq vaisseaux, son armée à 500 hommes, enfin donner en otage son jeune fils Démétrius.

Famininus proclame la liberté des Grecs (196 av. J.C.)

Flamininus alors se rend à Corinthe: on célébrait les jeux isthmiques, la Grèce entière y était accourue. Tout à coup un héraut réclame le silence et lit un décret qui se terminait ainsi: « Tous les Grecs d’Europe et d’Asie sont libres ». Une joie immense éclata à ces paroles. Deux fois l’assemblée se fit répéter le décret, et Flamininus faillit périr étouffé sous les fleurs et les couronnes (196 av. J.C.). Les Grecs ne savaient pas encore ce que coûtait le protectorat des Romains, ce que valait cette liberté donnée par l’étranger.

Le roi de Syrie, Antiochus (193 av. J.C.)

Le désintéressement de Rome était peu sincère: la crainte seule l’avait inspiré. Antiochus, roi de Syrie, prenait une attitude menaçante. Ce prince qui se faisait appeler grand et qui pouvait le paraître, grâce aux illusions de l’éloignement, n’aspirait à rien moins qu’à l’empire de l’Asie. « Moi », répondait-il aux envoyés romains, « je ne me mêle pas de ce que vous faites en Italie; ne vous occupez pas de ce que je fais en Orient ». L’arrivée d’Annibal décida la guerre.

Annibal (193 av. J.C.)

Ce grand homme venait d’être contraint à l’exil par les rancunes de Rome. En quelques années de paix, il avait accompli à Carthage une suite de réformes qui allaient régénérer cette ville et lui rendre le moyen de recommencer la lutte. Le sénat demanda sa tête. Il s’enfuit auprès d’Antiochus.

« Donnez-moi 11000 hommes et 100 vaisseaux », dit-il au roi, « et je soulève l’Italie et le monde ». Mais des courtisans jaloux décidèrent Antiochus à se défier du génie d’Annibal. Le roi repoussa ses conseils et s’abandonna aux mensongères promesses des Etoliens qui s’engagèrent à lui livrer la Grèce, s’il voulait seulement s’y montrer.

La bataille des Thermopyles (191 av. J.C.)

Antiochus débarqua en Grèce avec 10000 hommes, et commença par perdre un hiver à Chalcis dans les plaisirs. Le sénat eut le temps d’achever ses préparatifs, et, au printemps, les légions romaines, sous le commandement du consul Acilius Glabrion, parurent en Thessalie.

Antiochus se posta aux Thermopyles pour l’arrêter, comptant faire mieux que Léonidas. Caton, alors lieutenant volontaire d’Acilius, après avoir été consul, surprit et culbuta les Etoliens qui gardaient le sentier d’Ephialte. Le roi s’enfuit à Elatée, puis à Chalcis, puis à Ephèse. Là seulement il retrouva sa sécurité, mais il la retrouva tout entière : il regardait comme impossible que les Romains vinssent l’attaquer en Asie. Annibal seul s’étonnait qu’ils ne fussent pas encore arrivés.

La bataille de Magnésie (190 av. J.C.)

La flotte royale fut d’abord détruite en deux batailles, qui donnèrent à Rome l’empire de la mer Egée. Les légions, conduites par le consul Lucius Scipion à qui son frère l’Africain servait de lieutenant, passèrent l’Hellespont, sans trouver d’obstacle, et rencontrèrent Antiochus avec sa dernière armée à Magnésie. En quelques instants 52000 Syriens furent tués ou pris et le consul perdit seulement 350 hommes. Antiochus implora la paix. Les Romains l’obligèrent à évacuer toute l’Asie Mineure, à livrer ses éléphants de guerre et à payer une contribution de 15000 talents, qui ruina pour longtemps ses finances (190 av. J.C.). Le frère de Scipion l’Africain rapporta de cette guerre le surnom d’Asiatique.

La défaite des Galates (189 av. J.C.)

Manlius Vulso, successeur de Lucius Scipion, voulut abattre le seul peuple de l’Asie Mineure qui fût digne de se mesurer avec les Romains, les Gallo-Grecs ou Galates. Ce peuple, d’origine gauloise, s’était établi vers la fin du III siècle entre la Phrygie et la Cappadoce. Il avait acquis par son courage une grande influence et de telles richesses qu’un de ses chefs fit annoncer dans toute l’Asie Mineure qu’il tiendrait table ouverte pendant une année entière; et il avait fait ce qu’il avait promis.

Les Romains voulurent briser ce renom d’invincibles qu’avaient les Gaulois d’Asie. Manlius Vulso marcha contre eux sans déclaration de guerre. A son approche, ils se retirèrent sur les hauteurs avec leurs femmes et leurs enfants. Mais, comme ils ne s’étaient pas pourvus d’armes de jet, les Romains purent aisément faire de loin un grand massacre. Vaincus pour ainsi dire sans combat, ils demandèrent à traiter. Manlius, honorant leur courage, ne leur imposa ni tribut, ni clause honteuse (189 av. J.C.).