Les Gaulois (390 av. J.C.)

La solde militaire (405 av. J.C.)

Les Concessions du sénat ramenèrent la paix au forum. L’ennemi s’en aperçut à la vigueur et à la rapidité des coups qui lui furent portés. Plusieurs villes, au nord et au sud du Tibre, furent enlevées; en 406 av. J.C. la riche cité d’Anxur succomba. Le butin qu’on y fit fut assez riche pour que le sénat pût établir la solde militaire. Chacun jusqu’alors faisait campagne à ses frais; à partir de ce jour les légionnaires reçurent une paye. Il y eut moins de misère pour le soldat, et le sénat pouvant les tenir maintenant plus longtemps sous les drapeaux, se livra à de plus longues et de plus lointaines entreprises.

La prise de Véies (405-396 av. J.C.)

L’année suivante commence le siège de Véies, grande ville étrusque qui avait longtemps balancé la fortune de Rome. Ce siège dura dix ans. Un patricien le termina. Camille, nommé dictateur, arma tous les citoyens en état de combattre, et pénétra enfin dans Véies par une mine (396 av. J.C.).

Exil de Camille (390 av. J.C.)

Un immense butin avait été fait à Véies. Camille obligea ses soldats à en restituer une partie à cause d’un voeu qu’il prétendit avoir fait à Apollon. Le peuple fit la restitution demandée mais irrité déjà contre Camille à cause de sa hauteur, il se montra favorable à une accusation de concussion portée contre le vainqueur des Véiens. Camille partit de Rome sans attendre le jugement. Quand il eut passé la porte, on dit qu’il se retourna vers la ville et pria les dieux, s’il était innocent, de faire bientôt repentir ses concitoyens de son exil. La même année les Gaulois entrèrent dans Rome.

L’invasion des Gaulois (390 av. J.C.)

Depuis deux siècles environ, les Gaulois s’étaient emparés de la vallée du Pô, mais ils n’avaient pas encore osé franchir l’Apennin, lorsque, en 390 av. J.C., trente mille Sénons vinrent demander des terres aux habitants de Clusium. Ceux-ci implorèrent le secours de cette même Rome qu’ils avaient assiégée autrefois sous la conduite de leur roi Porsenna. Le sénat envoya trois Fabius pour interposer la médiation du peuple romain entre les deux partis. Mais les ambassadeurs, oubliant leur caractère, se mêlèrent aux assiégés, et, dans une sortie, l’un d’eux tua un chef gaulois. Les Gaulois firent aussitôt demander satisfaction au sénat, et n’ayant rien obtenu, ils levèrent le siège de Clusium pour marcher droit sur Rome.

Défaite de l’Allia (390 av. J.C.)

A une demi-journée de la ville, près de l’Allia, ils rencontrèrent l’armée romaine qui, effrayée de leurs cris et de leur aspect sauvage, rompit ses rangs et s’enfuit presque sans combattre. Tout ce qui ne put passer le Tibre à la nage et se réfugier derrière la forte enceinte de Véies fut tué; l’aile droite, intacte, se sauva précipitamment à Rome et courut occuper la citadelle du mont Capitole, où s’enfermèrent aussi le sénat, les magistrats, les prêtres et mille des plus braves de la jeunesse patricienne. Le reste se dispersa dans les villes voisines.

Prise de Rome (390 av. J.C.)

Les Gaulois n’entrèrent que le lendemain de la bataille. Tout était désert, seulement quelques vieux consulaires étaient restés dans leur demeure, assis sur leur chaise curule. Les barbares les prirent pour des statues ou pour des êtres surnaturels, mais l’un d’eux ayant passé la main sur la barbe blanche de Papirius, celui-ci le frappa de son bâton d’ivoire, et le Gaulois, irrité, le tua. Ce fut le signal du massacre, après le pillage, l’incendie détruisit les maisons. Du haut du Capitole, les Romains assistaient à la destruction de leur ville.

Siège du Capitole (390 av. J.C.)

Les Gaulois essayèrent alors d’emporter la citadelle d’assaut, mais sur la pente étroite et rapide qui y conduisait, les Romains eurent peu de peine à les repousser, et le siège se changea en blocus. Pendant sept mois, les Gaulois campèrent au milieu des ruines de Rome. Le manque de vivres les força de courir par bandes les campagnes voisines. Les Latins et les Etrusques s’étaient d’abord réjouis des malheurs du peuple romain; ils s’effrayèrent à leur tour. Ardée donna à Camille quelques soldats, avec lesquels il détruisit une bande de Gaulois. Ce premier succès encouragea la résistance, de tous côtés les paysans se levèrent en armes, et les Romains réfugiés à Véies proclamèrent Camille dictateur.

Mais il fallait la sanction du sénat et un décret du peuple pour rendre à Camille les droits de citoyen qu’il avait perdus par son exil. Un jeune plébéien, Cominius, traversa le Tibre à la nage, évita les sentinelles ennemies, et, s’aidant des ronces et des arbustes qui tapissaient les parois escarpées de la colline, il parvint jusqu’au Capitole. Il en redescendit aussi heureusement, et rapporta à Véies la nomination qui devait lever les scrupules de Camille.

Les Gaulois avaient remarqué l’empreinte de ses pas, et par une nuit obscure, ils montèrent jusqu’au pied du rempart. Déjà ils atteignaient les créneaux, quand les cris des oies consacrées à Junon éveillèrent Manlius. Il renverse les plus avancés des assaillants, donne l’alarme : les Gaulois sont précipités du haut des murs.

Retraite des Gaulois (390 av. J.C.)

Le Capitole était sauvé. Mais les Romains n’avaient plus de vivres et Camille ne paraissait pas. Alors le tribun consulaire Sulpicius convint avec le Brenn ou chef des Gaulois (Brennus) de payer, pour la rançon de Rome, mille livres d’or (326 kilogrammes). Quand on pesa l’or, les barbares apportèrent de faux poids, et comme Sulpicius s’en plaignait : « Vae victis » s’écria le Brenn, – « malheur aux vaincus ! » et il jeta encore dans la balance son épée et son baudrier.

Services de Camille (390 av. J.C.)

Les Gaulois s’éloignèrent paisiblement, mais Camille annula le traité : il ordonna aux alliés de fermer leurs portes et d’attaquer les bandes isolées. La plupart furent taillées en pièces. Cependant les Gaulois reparurent à plusieurs reprises et se maintinrent dans les montagnes de la Sabine, à Tibur, d’où pendant un demi-siècle ils prirent part à presque toutes les guerres que Rome entreprit pour relever l’édifice de sa puissance.

Camille, qu’on retrouve sans cesse à la tête des légions, gagna dans ces circonstances difficiles avec bien plus de justice que dans la guerre contre le Brenn, le titre de second fondateur de Rome. A l’intérieur, il rappelait par ses patriotiques conseils les partis à l’union, ou il cherchait par sa fermeté à leur imposer la paix. Dans les camps, ses habiles réformes assuraient la victoire. Il arma les soldats de longues piques qui arrêtèrent l’élan des Gaulois, et de casques d’airain, de boucliers bordés d’une lame de fer, contre lesquels s’émoussaient leurs sabres mal trempés.

Manlius Torquatus et Valérius Corvus (390 av. J.C.)

Deux hommes gagnèrent dans ces guerres des surnoms que leurs descendants gardèrent. Les Gaulois occupaient la rive droite de l’Anio, les Romains la rive gauche. Il y avait sur le fleuve un pont que les deux armées se disputèrent à plusieurs reprises, sans qu’aucune d’elles pût en rester maîtresse. Un jour un Gaulois d’une taille gigantesque s’avance, et se tenant au milieu du pont crie d’une voix éclatante : « Allons, que le plus brave soldat de Rome vienne ici se battre avec moi : nous verrons laquelle des deux nations vaut le mieux à la guerre. » Un long silence suivit ces paroles : la jeunesse romaine restait immobile et indécise entre la honte et la crainte. Enfin Torquatus Manlius quitte son rang et va au dictateur, « Mon général, » dit-il, « je ne combattrai pas sans votre permission, la victoire fût-elle certaine. Mais laissez-moi aller montrer à ce barbare qui se pavane devant les siens que je suis de la famille qui a jeté les Gaulois en bas du Capitole. » – « Va, Manlius, et prends garde que Rome n’ait le dessous. » Il s’arme et court au Gaulois. De petite taille mais agile, Manlius évite les grands coups que son adversaire lui porte. Ramassé sous ses armes il suit de l’oeil tous les mouvements du barbare. Le Gaulois venait de décharger un coup terrible mais inutile, son bras n’était pas encore relevé, Manlius se baisse et se précipite, couvert de son bouclier. Il frappe son adversaire au ventre et l’étend mort à ses pieds. Arrachant au cadavre son collier d’or il le passe tout sanglant à son cou. Au retour ses compagnons le saluèrent du nom de Torquatus, collier se disant en latin torques.

Valérius se signala par une victoire semblable dans un combat singulier, et l’on disait qu’un corbeau posé sur sa tête, ou le cimier d’airain de son casque qui représentait cet oiseau, avait déchiré de son bec le visage du barbare. Il en prit du moins le surnom, et l’on parla longtemps des exploits de Manlius au collier et de Valérius au corbeau.