Les lois

Sous le titre général des lois, nous comprenons tout ce qui composait la législation romaine. Les lois proprement dites, formant la constitution de l’Etat ou les bases du droit public et du droit civil, exigeaient le concours de la nation entière. Voici comment elles se faisaient :

Proposées et rédigées par un magistrat (ordinairement par un consul), elles étaient débattues dans le sénat, qui, après les avoir approuvées, les faisait porter devant l’assemblée du peuple, réuni par centuries. Avant cette réunion solennelle, on les publiait au Forum pendant trois marchés consécutifs (les marchés avaient lieu tous les neuf jours); le jour de l’assemblée, si les centuries adoptaient la proposition, elle devenait loi de l’Etat, après toutefois qu’une ordonnance du sénat, appelée sénatus-consulte, l’avait promulguée.

Les plébiscites ou décrets du peuple (consultation sur le souhait du peuple à propos d’une importante décision), ayant obtenu force de loi, doivent être rangés dans cette catégorie; ils étaient proposés par un tribun du peuple, discutés et sanctionnés dans les comices par tribus. Le sénat n’y prenait aucune part, et finit par n’en prendre aucun ombrage, parce que, chargé du pouvoir exécutif, il laissait tomber en désuétude les plébiscites qui lui déplaisaient.

Les principales lois romaines étaient celles dite des douze tables, rédigées par les décemvirs. Nous en possédons quelques fragments.

Les autres lois, désignées en général sous le nom de consulares, et de tribunitiae, selon qu’elles avaient été proposées par un consul ou par un tribun, portent le nom de famille de leurs auteurs : ainsi la loi Hortensia, la loi de Fulvia, la loi Licinia, etc. Quelquefois on les qualifiait d’après l’objet qu’elles réglaient, comme la loi somptuaire, la loi agraire, la loi de repetundis, la loi de maritandis ordinibus, etc.

Les sénatus-consulte (en latin : décret du sénat, au pluriel senatus consulta est un texte émanant du sénat) correspondent à des ordonnances royales. Ces ordonnances, tant qu’elles n’étaient pas abrogées par une loi, avaient force de loi; mais il fallait pour cela que les tribuns du peuple les eussent approuvées dans la forme; leur opposition les rendait nulles. Toutefois, si, avant cette opposition, le sénatus-consulte avait été pris à l’unanimité, on le conservait dans les archives, et il faisait jurisprudence sous ce titre : Senatus autoritas.

Puis venaient les édits des magistrats. Chacun d’eux, dans la sphère de ses attributions, publiait, en entrant en charge, ou dans les cas urgents, son édit, qui suppléait aux lacunes des lois ou réglait l’exécution. Ainsi le préteur interprétait les lois, fixait les formes de procédure; l’édile publiait des ordonnances de police, les pontifes prescrivaient les cérémonies du culte, etc. L’impossibilité de convoquer perpétuellement les comices, déjà fort souvent occupés de l’élection annuelle de tous les magistrats, et de faire vivre le peuple souverain sur le Forum et dans le Champ de Mars, finissait par donner une sorte de consécration politique à cette législation inférieure. L’ancienneté d’un édit qu’aucune loi n’avait pas détruit, en faisait comme une loi réelle, et lui donnait droit au respect général.

Ajoutez-y les opinions des jurisconsultes (responsa prudentum), dont le pouvoir fut longtemps immense chez une nation longtemps ignorante; opinions diverses, souvent même contradictoires et pourtant toujours considérées; opinions que rendait nécessaires l’obscurité toujours croissante des lois des XII Tables, dont on commençait à ne plus comprendre le langage, et qui pourtant faisaient la base de la législation politique et civile des romains. Ajoutez-y, en outre, les formules impératives que l’habileté des patriciens avait su joindre aux vielles lois, pour les appliquer à leur gré, selon les besoins du pouvoir, formules que le sénat tint cachées pendant longtemps et qui ne devinrent publiques que par d’indiscrètes révélations, et encore à une époque où la vénération des romains pour les vielles choses les entourait d’une sorte de considération mystérieuse1.

1. Ce fut Cn. Flavius, scribe d’Appius Claudius Caecus, qui divulgua le premier ces formules, l’an 440. Le peuple, en reconnaissance, l’élira édile, puis préteur, et le recueil publié fut appelé Jus civile Flavianum.