Les guerres médiques (500-479 av. J.C.)

Première guerre Médique (492-490 av. J.C.)

Révolte des Grecs d’Asie contre les Perses (501 av. J.C.)

Pendant que Sparte se rendait maîtresse de plus de la moitié du Péloponnèse et étendait son influence sur les autres Etats de la péninsule et de la Grèce centrale; pendant qu’Athènes libre et victorieuse se livrait déjà au commerce et aux arts; tandis enfin que les autres cités de la Grèce continentale, Argos, Corinthe, Mégare, Thèbes grandissaient en force et en richesses, les colonies asiatiques avaient perdu leur liberté. Les Perses les avaient obligées de leur payer tribut et avaient établi des tyrans dans chacune de leurs villes.

Un de ces tyrans, Aristagoras, ayant encouru le mécontentement du grand roi, chercha son salut dans une révolte; il souleva Milet contre les Perses. Toutefois, ne se sentant pas assez fort pour leur résister, il alla solliciter les secours de Sparte. « Combien », demanda le roi Cléomène, « y a-t-il de chemin entre la mer et la capitale des Perses? » – « Trois mois de marche », répondit-il. – « Alors vous sortirez dès demain de cette ville. Il est insensé de proposer aux Lacédémoniens de s’éloigner à trois mois de marche de la mer. » Aristagoras essaya d’acheter son consentement. Le spartiate fut incorruptible, et l’Ionien passa à Athènes.

Cette ville avait des motifs de colère contre les Perses, qui venaient de lui demander la terre et l’eau, c’est-à-dire un acte de soumission absolue, et le rappel du tyran Hippias, réfugié auprès d’eux. En outre Aristagoras mettait en avant le devoir de la métropole de défendre sa colonie. Athènes donna quelques vaisseaux et des soldats.

Incendie de Sardes (498 av. J.C.)

Ce corps de débarquement contribua à la prise de Sardes par les Grecs asiatiques. Un incendie allumé par hasard consuma cette ville, capitale de la Lydie. Darius en éprouva une telle colère, qu’il jura de se venger des Athéniens.

Expédition de Mardonius (492 av. J.C.)

En effet, les loniens remis sous le joug, il envoya son gendre Mardonius avec une armée et une flotte pour lui soumettre la Grèce. Mais en Thrace l’armée éprouva de sanglants échecs, tandis que la flotte, assaillie par une tempête en doublant le promontoire du mont Athos, qui s’élève comme un roc gigantesque à 1950 mètres au-dessus de la mer, perdit 300 vaisseaux. Mardonius fut contraint de rentrer en Asie.

Seconde expédition des Perses contre Athènes (490 av. J.C.)

Une nouvelle armée et une nouvelle flotte furent équipées. Cette seconde expédition, conduite par Datis et Artapherne, se dirigea par mer, à travers les Cyclades, qu’elle soumit, prit, en Eubée, Erétrie, et débarqua 110000 Perses en Attique à Marathon. Là s’étendait une plaine qui n’avait été que trop habilement choisie par le roi banni d’Athènes, Hippias, pour favoriser les évolutions de la cavalerie des Perses. Les Athéniens coururent au-devant des barbares. Chaque tribu fournit 1000 soldats. A cette armée de 10000 hommes se joignirent 1000 Platéens qui vinrent volontairement braver un péril dont le reste des Grecs s’épouvanta. Ce fut la seule assistance qu’Athènes reçut du dehors. Sparte, avertie du débarquement des Perses par le coureur Phidippides, qui en moins de deux jours fit 240 kilomètres, promit bien d’envoyer des troupes; mais une loi religieuse défendait à ses guerriers de se mettre en marche avant que la lune fût dans son plein, et elle n’était encore qu’à son neuvième jour.

Bataille de Marathon: Miltiade (490 av. J.C.)

Une armée de 11000 hommes s’avança donc contre 110000 ennemis. Elle était sous les ordres de dix généraux, qui commandaient chacun à leur tour pendant une journée. Un d’eux était Miltiade dit le Jeune, déjà célèbre par la conquête de Lemnos. Les avis étaient partagés en nombre égal : cinq généraux voulaient qu’on attendit des renforts, les cinq autres qu’on livrât bataille sur-le-champ, parce qu’ils redoutaient les intrigues d’Hippias et l’or des Perses plus encore que leur nombre. Tel était l’avis de Miltiade: il réussit à mettre dans son opinion l’archonte polémarque, dont la voix était prépondérante; et il fut résolu que l’on combattrait sans tarder. Aristide, un des généraux, reconnaissant la supériorité de Miltiade, engagea ses collègues à lui céder leur tour de commandement; il n’accepta pas et attendit que son jour fût venu. « Le polémarque commanda, selon l’usage, l’aile droite; les Platéens formaient la gauche. Les Athéniens, afin de n’être pas tournés, dégarnirent leur centre et étendirent leur ligne jusqu’à ce qu’elle présentât un front égal à celui des Perses; ils mirent leurs principales forces aux ailes, qu’un abatis d’arbres protégea encore contre la cavalerie ennemie ».

« Dès que le signal fut donné, ils descendirent en courant de la hauteur sur laquelle ils étaient postés, au grand étonnement des Perses, qui ne comprenaient pas cette folie d’une attaque faite à la course par un si petit nombre d’hommes, sans cavalerie ni archers. La bataille dura longtemps; les barbares furent vainqueurs au centre, les Perses et les Saces qui s’y trouvaient percèrent la ligne des Grecs, et les poursuivirent dans les terres. Les Athéniens furent, au contraire, vainqueurs aux deux ailes; mais laissant fuir l’ennemi qu’ils avaient battu, ils se replièrent des deux côtés sur ceux qui avaient forcé le centre, les défirent complètement, et les suivirent de si près l’épée dans les reins, qu’arrivés en même temps qu’eux sur le rivage, ils attaquèrent les vaisseaux en demandant du feu à grands cris pour les incendier ».

« Le polémarque fut tué, ainsi qu’un des dix généraux. Cynégyros, frère d’Eschyle, se jeta à la mer pour arrêter un vaisseau qui sapprêtait à fuir; il le saisit à la poupe, mais un coup de hache lui trancha la main. Sept vaisseaux seulement furent pris, le reste sauva, en forçant de rames, sans même prendre le temps de virer de bord; ils s’empressèrent de doubler le cap Sunion, avertis, dit-on, par un bouclier élevé en l’air, que la ville était sans défense. Mais les vainqueurs revinrent à marche forcée; ils étaient déjà campés dans le Cynosarges, faubourg d’Athènes, quand les vaisseaux des barbares se montrèrent en face de Phalère. Le coup était manqué, la flotte retourna en Asie. » (Hérodote).

A cette bataille, « la première », dit Hérodote, « où des Grecs osèrent regarder en face ces Mèdes dont le nom seul était un objet de terreur, » les barbares perdirent environ 6400 hommes; les Athéniens seulement 192. Hippias était probablement resté parmi les morts. Hérodote ne parle pas de ce soldat qui vola d’un trait de Marathon à Athènes, et expira en annonçant aux magistrats la victoire. Mais il ignorait bien d’autres choses que le peuple contait sur cette étonnante victoire : les uns avaient vu Thésée, d’autres Echétos, un héros des anciens temps, combattre dans les rangs des Athéniens.

Honneurs rendus aux morts (490 av. J.C.)

Pour tout honneur, Miltiade se vit représenté, ainsi que le polémarque, au milieu d’un groupe de demi-dieux et de héros, peint sur les murs d’un portique nommé le Poecile. Plus tard, on leur éleva un tombeau à part dans la plaine de Marathon, à côté de celui qui renfermait les restes des citoyens. Près de celui-ci étaient dix colonnes, une pour chaque tribu, et sur chacune furent gravés les noms de cent quatre-vingt-douze héros. Les Perses avaient apporté à Marathon un bloc de marbre pour en faire un trophée. Phidias en fit sortir plus tard la statue de Némésis, la déesse des justes vengeances. Les Platéens furent associés aux honneurs comme ils étaient d’eux-mêmes associés au péril, ils eurent un tombeau particulier pour leurs morts, et depuis, chaque fois que le héraut dans les sacrifices implora les dieux pour Athènes, il pria aussi pour les Platéens.

Les Spartiates à Marathon (490 av. J.C.)

Le surlendemain du combat, les Spartiates arrivèrent; ils n’avaient mis que trois jours à faire le chemin. Ils félicitèrent les Athéniens de leur triomphe, et se rendirent sur le champ de bataille encore jonché de morts. Mais en voyant les trophées et l’enthousiasme des vainqueurs, ils durent comprendre que le jour où l’immense empire des Perses avait reçu ce sanglant affront, un grand peuple était né à la Grèce.

Mort de Miltiade (489 av. J.C.)

Après cette glorieuse journée, Miltiade alla punir les insulaires des Cyclades, qui s’étaient livrés aux Perses, mais il échoua devant Paros. Accusé de trahison, il fut condamné à cinquante talents qu’il ne put payer, et mourut peu de jours après, des suites d’une blessure. On a dit qu’il fut jeté dans une prison, chargé de fers, et que ce fut là qu’il expira. L’histoire véridique ne connaît pas ce tragique récit, mais elle blâme les Athéniens d’avoir oublié dans le vaincu de Paros, le vainqueur de Marathon. Du moins les éloges et les honneurs ne manquèrent pas à sa mémoire.

Thémistocle et Aristide (489 av. J.C.)

Deux hommes le remplacèrent: Thémistocle et Aristide. Le premier avait montré dès l’enfance un caractère ambitieux qui avait fait prédire à un de ses maîtres qu’il ferait beaucoup de bien ou beaucoup de mal. Il disait que les trophées de Miltiade l’empêchaient de dormir. Mais il allait bientôt en dresser lui-même; car dans l’effroyable crise où Athènes se trouve, il lui faudra un homme qui ne donne rien à la peur ni à l’audace imprudente. Cet homme sera Thémistocle.

Il avait déjà combattu à Marathon à côté de celui qui devait être son rival. Aristide se distingua de bonne heure par une probité sévère, et acquit, sans la chercher, par une haute vertu, l’influence que Thémistocle eut tant de peine à conquérir par ses services. L’un plaçait plutôt son appui dans le peuple; l’autre ambitionnait davantage la faveur de la classe élevée. Personne n’osait contester les lumières de Thémistocle; mais on savait qu’il avait peu de scrupules, quand le succès était au bout d’une injustice. L’équité d’Aristide était, au contraire, devenue proverbiale. Il aurait voulu conserver la constitution intacte, et s’opposait au progrès de la démocratie (pouvoir du peuple), que Thémistocle favorisait. De là des luttes qui troublaient sans cesse la ville. « Athènes ne sera tranquille », disait Aristide, « que quand on nous aura jetés l’un et l’autre dans le barathre. » C’était un gouffre où l’on précipitait les criminels.

Exil d’Aristide (483 av. J.C.)

En 483 av. J.C., Thémistocle parvint à faire exiler Aristide par l’ostracisme, jugement qui ne déshonorait pas celui qu’il frappait, mais l’obligeait à se tenir pendant dix ans éloigné de sa patrie. On raconte à ce sujet qu’un citoyen obscur, qui se trouvait à côté d’Aristide dans l’assemblée, s’adressa à lui-même pour faire écrire son nom sur la coquille de vote. « Aristide vous aurait-il offensé? » demanda celui-ci. – « Non », répondit l’homme du peuple, « je ne le connais même pas; mais je suis las de l’entendre toujours nommer le Juste ». En quittant la ville, le Juste pria les dieux qu’il n’arrivât rien à sa patrie qui pût faire regretter son exil.

Thémistocle fait d’Athènes une grande puissance maritime (483 av. J.C.)

Thémistocle expia cette mauvaise action par les services qu’il rendit à Athènes. Comprenant que les Perses renouvelleraient leur tentative, il fit employer toutes les ressources de la ville à augmenter sa flotte : au moment de l’invasion de Xerxès, elle compta 200 galères équipées et habituées aux manoeuvres, qui furent le salut de la Grèce.

Seconde guerre Médique (480-479 av. J.C.)

Expédition de Xerxès (480 av. J.C.)

Darius ne put venger la honte de ses armes, mais Xerxès, son fils, précipita trois à quatre millions d’hommes sur la Grèce. Il semblait qu’il n’y
eût pas besoin de combats; la Hellade allait être submergée sous ce flot d’hommes. « Les Grecs oseront-ils combattre? » demandait Xerxès à
Démarate, roi exilé de Lacédémone. – « Les Grecs sont à craindre », répondit le Spartiate, « car ils sont pauvres; ne cherchez pas
leur nombre. Les Lacédémoniens, fussent-ils seuls, ne fussent-ils que mille, moins encore, vous attendront de pied ferme, car ils ont un puissant maître,
la loi, qui leur dit de vaincre ou de mourir. »
Et le maître de ces soldats, qui n’allaient au combat qu’à coups de fouet, riait en entendant parler de cette chose
impossible : des hommes marchant librement à la mort ou à la victoire, parce que la loi le commande.

Plan de défense des Grecs (480 av. J.C.)

Les Grecs avaient en vain sollicité du secours des Crétois et de Gélon, roi de Syracuse : dans la Grèce même, plusieurs peuples avaient promis obéissance au grand roi. Mais Sparte et Athènes étaient résolues à une lutte désespérée. Tandis que la première envoyait un de ses rois, Léonidas, avec une petite armée de 5200 hommes, garder les approches de la Grèce par terre, la seconde armait à elle seule 127 trirèmes; ce qui porta l’armée à 270 navires chargés de défendre l’accès des côtes. Cette flotte se plaça dans une mer étroite, au nord de l’Eubée, pour soutenir l’armée de terre campée tout près de là, aux Thermopyles, et arrêter au même point l’invasion. Elle réussit d’abord, ayant livré deux combats heureux à des détachements de la flotte persique, ce qui força les barbares de s’arrêter, mais, pendant ce temps, Léonidas mourait aux Thermopyles.

Les Thermopyles (480 av. J.C.)

Au sortir du pays de Trachis, en Thessalie, se trouve un défilé qu’on doit inévitablement traverser pour entrer de ce côté dans la Grèce, et qui n’a dans sa partie étroite que 15 mètres de large; on y trouve même, un peu en avant et un peu en arrière des Thermopyles, près d’Anthéla et des Alqènes, deux étranglements qui ont à peine la largeur nécessaire pour un chariot. Ces deux points, distants de 1600 mètres environ, sont comme les deux portes du défilé; entre elles, l’espace s’étend, et il y a plusieurs sources chaudes, salées ou sulfureuses : de là le nom de Thermopyles, ou les Portes des eaux chaudes, donné à ce passage.

Pendant quatre jours, Xerxès se flatta que la seule vue de son armée déciderait les Grecs à se rendre; ne les voyant pas venir vers lui en suppliants, il envoya contre eux, avec ordre de les lui amener vivants, d’abord les Mèdes, qui furent repoussés avec de grandes pertes, puis les Cissiens, qui eurent le même sort; enfin le corps fameux des Immortels, composé des meilleurs soldats de l’armée persique, qui laissèrent les plus braves d’entre eux au pied du retranchement des Grecs.

Le traître Ephialtès (480 av. J.C.)

Le grand roi commençait à prendre l’alarme, lorsqu’un transfuge mélien, nommé Ephialtès (Ephialte de Trachis), vint s’offrir à mener Hydarnès, le chef des Immortels, par un sentier détourné, jusque sur le haut de la montagne, d’où l’on gagnerait les derrières du camp des Grecs. Ephialtès reçut de Xerxès une grande récompense, mais le conseil des Amphictyons appela sur le traître toute la colère des dieux et mit sa tête à prix. Il fut tué en effet peu de temps après la défaite des barbares (470 av. J.C.).

Léonidas refuse de quitter son poste (480 av. J.C.)

Les Perses allant arriver de l’autre côté des Thermopyles, la défense n’était plus possible. Léonidas ne voulut pas sacrifier inutilement une armée dont la Grèce aurait besoin; il renvoya tous les alliés, mais il garda les 300 Spartiates qu’il avait amenés. « Sparte », disait-il, « nous a confié un poste, nous devons y rester ». Les Thespiens voulurent partager son sort.

Incidents divers du combat des Thermopyles (480 av. J.C.)

A l’approche des Perses, les Grecs sortirent à leur rencontre et livrèrent leur dernière bataille dans une partie plus large du défilé, afin d’avoir plus d’ennemis en face et d’en frapper davantage avant de mourir. Quand les Lacédémoniens eurent brisé leurs piques, à force de tuer, ils continuèrent à combattre avec l’épée. Enfin Léonidas tomba. Un combat furieux s’engagea sur son corps; quatre fois les Grecs repoussèrent l’ennemi. Ils gardaient encore ce glorieux trophée, quand les barbares, sous la conduite d’Ephialtès, parurent derrière eux. Ils reculèrent alors jusque dans la partie étroite du chemin, sur une hauteur qui est à l’entrée du défilé. C’est là qu’enveloppés de toutes parts, et après s’être défendus avec ce qui leur restait d’armes, tous tombèrent sous une grêle de pierres et de traits lancés de loin par les barbares, qui n’osaient encore les affronter.

La Grèce aimait à répéter, peut-être à embellir divers incidents de ce grand drame que l’imagination populaire a consacrés. Avant l’attaque, Xerxès avait envoyé un cavalier perse pour reconnaître la position des Spartiates : il les trouva s’exerçant à la lutte ou peignant leur longue chevelure; aucun ne daigna prendre garde à lui. Xerxès, étonné de ce calme, écrivit à Léonidas : « Si tu veux te soumettre, je te donnerai l’empire de la Grèce, » Le roi répondit : « J’aime mieux mourir pour ma patrie que de l’asservir ». Un second message portait : « Rends tes armes ». Léonidas écrivit au-dessous : « Viens les prendre ». Quand l’ennemi se montra, un Grec accourut en s’écriant : « Les Perses sont près de nous; » il répondit froidement: « Dis que nous sommes près d’eux ». Avant le dernier combat il fit prendre un léger repas à ses soldats: « Ce soir », leur dit-il, « nous souperons chez Pluton. »

Vingt mille Perses avaient péri, et parmi eux deux fils de Darius. Xerxès fit mettre en croix le corps de Léonidas, mais la Grèce recueillit pieusement ses os. Sur le tombeau élevé plus tard aux Lacédémoniens, on lisait cette inscription héroïque que Simonide y fit graver : « Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses lois ».

Les Athéniens abandonnent leur ville où entre Xerxès (480 av. J.C.)

La porte de la Grèce était forcée; Xerxès y entra, guidé par les Thessaliens, dévasta la Phocide et la Béotie, mais ne put prendre Delphes, que les habitants défendirent bravement, et pénétra dans l’Attique. Elle était déserte. Thémistocle avait obtenu de la Pythie un oracle portant qu’un mur de bois serait pour Athènes un inexpugnable rempart. Par là, il comprenait et voulait faire comprendre au peuple que la flotte était sa forteresse. On l’entendit comme lui et tous coururent sur les vaisseaux, à l’exception de quelques vieillards qui s’obstinèrent à rester derrière les palissades dont la citadelle était entourée. Xerxès les y trouva et les fit égorger.

Efforts de Thémistocle pour amener une grande bataille navale (480 av. J.C.)

La flotte grecque était réunie entre l’île de Salamine et la côte de l’Attique. Les chefs ne s’y croyaient pas en sûreté et voulaient quitter ce lieu pour courir chacun à la défense de sa cité. Thémistocle vit bien que si la Grèce pouvait être sauvée, c’était là, et qu’une fois les vaisseaux séparés, il n’y aurait plus de résistance. Dans le conseil de l’armée, il demandait avec instance la bataille; on se récrie, on s’emporte. Eurybiade, le général lacédémonien, vient à lui, le bâton levé: « Frappe, mais écoute », répond l’Athénien, et il continue froidement.

Sa constance n’eût cependant pas triomphé s’il n’eût eu recours à un moyen extrême. Pendant qu’on délibère encore, il fait tenir à Xerxès un secret message : « Thémistocle », y était-il dit, « secrètement dévoué aux Perses, les avertit que les Grecs songent à s’échapper; si le roi veut finir la guerre d’un coup, qu’il les enveloppe, en fermant l’autre issue du détroit de Salamine. » Et il retourne au conseil, prolongeant à dessein le débat. Un homme le demande, c’est Aristide qui venait de traverser la flotte persique pour combattre avec ses concitoyens: « Soyons toujours rivaux », lui dit l’exilé, « mais rivalisons de zèle pour le salut de la patrie. Pendant que vous perdez le temps ici en de vaines paroles, les barbares vous entourent. – Je le sais, » répond Thémistocle; « c’est par mon avis que cela s’exécute ». Et il introduit Aristide dans le conseil pour y porter cette nouvelle. Il fallait donc combattre et sur ce champ de bataille que Thémistocle, avec l’audace du génie, prenait sur lui d’imposer à ses concitoyens.

Bataille de Salamine (480 av. J.C.)

Un vent s’élevait à une certaine heure dans le détroit. Les Grecs attendirent qu’il soufflât pour attaquer. Au milieu des vagues soulevées, les lourds vaisseaux des Perses s’entre-choquaient, et, incapables de manoeuvrer, recevaient, sans les rendre, les coups que leurs portaient les navires légers et rapides des Hellènes. En outre, dans cet étroit espace, ils ne pouvaient déployer leurs forces, et leur nombre immense était inutile. Xerxès avait fait placer son trône sur une colline du rivage pour être témoin de la victoire des siens : il vit leur défaite. Une femme, pourtant, se signala parmi les barbares, Artémise, reine de Carie. Comme sa galère était vivement pressée par une galère athénienne, elle se détourna sur un vaisseau perse et le coula. L’Athénien, croyant qu’il poursuivait un ami, chercha un autre adversaire.

Fuite de Xerxès (480 av. J.C.)

Epouvanté à la vue de ce désastre, Xerxès craignit que la route d’Asie ne lui fût coupée par les Grecs victorieux. Un nouveau et rusé message de Thémistocle accéléra sa retraite. « Les Grecs », lui disait l’Athénien, « courent aux ponts jetés sur le Bosphore, pour les détruire et enfermer le roi en Europe ». Mardonius, le conseiller de cette fatale expédition, s’offrit à rester en Grèce avec 300000 hommes. Xerxès prit, avec le reste, la route de la Macédoine et de la Thrace. ll mit quarante-cinq jours à traverser ces provinces, laissant derrière lui une longue traînée de morts, tombés sous les flèches des habitants ou tués par la faim, par la soif, par les maladies. Une tempête avait emporté les ponts; on répéta en Grèce que le grand roi n’avait trouvé qu’une barque de pêcheur pour passer ce détroit, qu’il avait franchi six mois auparavant, en maître impérieux des peuples, de la terre et de l’Océan.

Pendant cette fuite, les Grecs partageaient le butin, élevaient des trophées et décernaient le prix de la valeur. Chacun des chefs se donna le premier, mais la plupart accordèrent le second à Thémistocle.

Platées (479 av. J.C.)

Mardonius hiverna en Thessalie et envoya au printemps Alexandre de Macédoine aux Athéniens, pour leur offrir la paix : Athènes fit une brève réponse « Tant que le soleil suivra dans les cieux sa course accoutumée, les Athéniens ne contracteront pas d’alliance avec Xerxès; ils combattront contre lui, se confiant dans les dieux protecteurs, et dans ces héros de la Grèce, dont le roi a sans respect livré aux flammes les images et les temples. »

Mardonius traversa la Béotie sans obstacle et rentra dans Athènes, le peuple s’étant encore une fois réfugié sur les vaisseaux. Après quelques lenteurs, l’armée lacédémonienne, sous les ordres du roi Pausanias, sortit du Péloponnèse et rejoignit, à Eleusis, les Athéniens descendus de la flotte et les autres Grecs. Ils étaient alors au nombre de 100000. La rencontre eut lieu en Béotie, près de Platées. Tel fut le carnage fait par les Grecs que, des 300000 soldats de Mardonius, il ne s’échappa qu’un corps de 40000 hommes emmené par Artabaze avant la bataille. Les Lacédémoniens ne perdirent pourtant que 91 soldats, les Tégéates 16 et les Athéniens 52. Les autres Grecs n’avaient pas combattu, à l’exception des Mégariens, alliés des Perses, qui, surpris en plaine par la cavalerie thébaine, avaient perdu 600 hommes.

Le prix de la valeur fut décerné aux Platéens. Aristide fit passer ce décret : « Les peuples alliés formeront contre la Perse une ligue défensive qui armera 10000 hoplites, 1000 cavaliers et 100 trirèmes. Tous les ans ils enverront des députés à Platées pour y célébrer, par de solennels sacrifices, la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans le combat. De cinq ans en cinq ans on y donnera des jeux qu’on appellera les fêtes de la Liberté, et les Platéens, chargés de faire des sacrifices et des voeux pour le salut de la Grèce, seront regardés comme une nation inviolable et sacrée. »

D’immenses richesses couvraient le champ de bataille; on fit d’abord la part des dieux : Apollon Delphien, Jupiter d’Olympie et Neptune Isthmique reçurent chacun un dixième des dépouilles; un autre fut donné à Pansanias, le reste partagé entre les vainqueurs. On éleva des monuments funèbres à ceux qui étaient tombés dans le combat. Les Platéens furent institués gardiens de ces tombeaux.

Mycale (479 av. J.C.)

Le jour même de la bataille de Platées, la flotte grecque triomphait à Mycale, sur la côte d’Asie, de la flotte perse qui portait la dernière armée de Xerxès. Les Athéniens eurent la principale gloire de cette journée, car ils vainquirent presque seuls, les Lacédémoniens s’étant égarés en voulant tourner l’ennemi.

Ainsi, non-seulement les Grecs avaient repoussé la guerre de leurs foyers, mais ils la portaient déjà chez leur ennemi. Cette dernière victoire équivalait à la conquête de la mer Egée. En moins d’un an ils avaient battu les Perses à Salamine, à Platées, à Mycale, et, d’attaqués qu’ils étaient, étaient devenus agresseurs et conquérants. La grandeur de l’Asie avait trouvé en Grèce son tombeau. Les innombrables armées de l’Orient n’avaient pu prévaloir contre cette petite nation, qui avait une grande force contre ces multitudes d’esclaves, l’amour ardent de la patrie et de la liberté.

Victoire d’Himère (480 av. J.C.)

L’année de la bataille de Salamine, les Grecs de la Sicile avaient été victorieux comme ceux de la mère patrie; Gélon, le Syracusain, avait taillé en pièces, près d’Himère, 300000 Carthaginois, alliés de Xerxès. L’heure du triomphe des grecs était donc venue partout!