Les superstitions populaires

Une description plus détaillée se trouve dans le portail au sein de la rubrique Mythologie, Les dieux inférieurs ou dieux du second ordre.

Le culte le plus universellement répandu, le plus intimement lié aux moeurs domestiques, et au fond un des moins absurdes, était celui des dieux lares ou pénates. Ces petits dieux fantastiques, que chacun représentait à sa manière, siégeaient dans l’intérieur de la maison, près du foyer. Là ils présidaient à l’hospitalité, en même temps qu’ils préservaient la maison de tout maléfice. Une lampe brûlait devant eux; on leur offrait du miel et des gâteaux.

Le mot pénates semble s’identifier avec l’idée exprimée par ceux de penitus, penetrare, penetralia. Celui de lar est étrusque. Il a plus d’extension; car outre les lares domestiques, il y avait les lares publics; les uns placés dans les rues (viales); les autres dans les carrefours (compilates) : quelques-uns même chargés du soin d’une ville entière (urbani).

Après les petits dieux de la maison, venaient les dieux de l’individu. Chacun avait son démon spécial, les hommes leur Génie (Genius), les femmes leur Junon (Juno).

Mais ce n’était pas assez de cette protection vague et générale; il fallait une sentinelle placée à tous les pas de la vie humaine. Ainsi, depuis qu’un enfant était conçu dans le sein maternel, jusqu’à son dernier jour, on pouvait invoquer successivement:

Fiturnus, qui lui donnait la vie;
Sentinus, qui lui donnait le sentiment;
Natio, qui le mettait au monde;
Nundina, qui le conduisait au neuvième jour, où il recevait son nom;
Vagitanus, qui apaisait ses cris;
Edusa et Potina, qui lui enseignait, l’une à manger, l’autre à boire;
Paventia, qui le garantissait de la peur;
Ossilago, qui lui affermissait les os;
Virginicuris, qui protégeait sa candeur;
Hymoenoeus, qui le mariait;
Senius, qui lui apprenait l’art si difficile de vieillir.
Puis, il y avait la déesse Carna, qui préservait de l’embonpoint, car les Romains avaient horreur de l’obésité.
Ajoutez la bonne Opigène, divinité du secours; Angerona, déesse du silence; Feronia, patronne des affranchis; Portumna, déesse des ports : et puis, cette multitude de dieux rustiques, chargés d’aider aux travaux de la campagne, aux productions du sol, comme Hippone, pour les chevaux; Bubone, pour les boeufs; Mellone, pour les abeilles; Segetia et Nodotus, pour les moissons; et surtout le vigilant Robigus, qui sauvait les blés de la rouille.

Ajoutez surtout les effrayants Lemures, spectres, lutins, esprits-follets qui voltigeaient partout après le coucher du soleil, soufflant les mauvaises pensées, les folles terreurs, les rêves pénibles. Et ne vous étonnez pas si les Romains furent le peuple le plus superstitieux du monde.

Aussi, pour eux, tout était doute, incertitude, frayeur, dans les plus simples actes de la vie, dans les faits les plus ordinaires. Tout avait un sens et pouvait se traduire en prophétie favorable ou funeste : une promenade commencée par le pied gauche; une coupe renversée; de la cendre dispersée; du sel, de l’huile ou du miel répandu?; un accroc fait à la toge; un chien noir qui entrait dans la maison; un rat rongeant un soulier; de l’eau sous la table; une démangeaison au pied; la rencontre d’un lièvre, passant de gauche à droite dans un chemin; un serpent tombant d’une gouttière; le mot d’incendie prononcé dans un repas; et surtout, car c’était un terrible présage, un moment de silence subit, universel, au milieu d’un grand festin : sans parler des animaux dont l’aspect seul portait malheur, comme les hiboux, les milans, les loups s’ils vous avaient vu les premiers; et les corbeaux, qui pourtant devenaient des oiseaux d’heureux augure s’il s’agissait de mariage.

Lorsqu’on affermait les domaines de l’Etat, on commençait toujours par le lac Lucrin, à cause du mot Lucrum, profit.