La Péninsule Ibérique (202-125 av. J.C.)

Soumission des Gaulois Cisalpins (192 av. J.C.)

Les Gaulois de la Cisalpine croyaient qu’une vie meilleure était réservée à ceux qui tombaient, dans la bataille, sous le fer ennemi. De là ce courage invincible et cette résistance désespérée qu’ils opposèrent aux Romains. Ils comprirent trop tard qu’ils avaient eu tort d’abandonner Annibal (Hannibal). Quand il fut vaincu, ils firent un dernier effort, et luttèrent sept années contre les Romains; mais ils étaient divisés, Rome ne l’était pas: ils succombèrent. Le sénat offrait la paix à un de ces peuples, les Boïens, à condition qu’ils céderaient la moitié de leur pays: ils aimèrent mieux abandonner le tout, et aller chercher au-delà des Alpes sur les bords du Danube, d’abord dans la Bohême, plus tard en Bavière, une autre patrie où ils pussent vivre libres (192 av. J.C.).

Soumission des Ligures (189-180 av. J.C.)

A l’ouest des Gaulois cisalpins, dans l’Apennin septentrional, habitaient les Ligures. C’était un peuple sobre, brave, d’une activité infatigable. Ces montagnards agiles exercèrent, pendant quarante ans, la patience et le courage des légions romaines. En 189 av. J.C., ils tuèrent un préteur; en 186 av. J.C., ils battirent un consul, et mirent Paul-Emile lui-même en danger. Pour en venir à bout, il fallut les arracher au sol où ils se montraient si braves, et en transporter 47000 dans les solitudes du Samnium (180 av. J.C.).

Guerres contre les Espagnols (202-133 av. J.C.)

Les Carthaginois avaient soumis l’Espagne. Durant la seconde guerre punique, Scipion les en avait chassés et les Espagnols l’y avaient aidé. Rome crut que ce peuple n’avait combattu que pour elle, dans le seul but de changer de maîtres. Après le traité qui suivit la bataille de Zama, elle déclara que l’Espagne formerait deux nouvelles provinces romaines. Mais cette population était si jalouse de son indépendance, que les femmes combattaient comme les hommes, et qu’on vit des prisonniers espagnols percer les vaisseaux sur lesquels on les embarquait, et les faire couler bas en pleine mer plutôt que de se laisser conduire à Rome. A la nouvelle que le sénat les regardait comme des sujets, ils se soulevèrent, et en peu de temps les légions furent refoulées au nord de l’Ebre (197 av. J.C.). Il fallut soixante-quatre années de combats pour les soumettre. Un homme et une ville eurent principalement l’honneur de cette longue résistance, Viriathe et Numance.

Viriathus ou Viriathe (148-140 av. J.C.)

Le préteur Galba ayant perdu 9000 hommes dans une bataille contre les Lusitaniens, peuple qui habitait la vallée inférieure du Tage, avait eu recours à une ruse atroce. Feignant de traiter avec eux, il leur avait offert des terres fertiles, les avait dispersés, sous ce prétexte, en divers cantons, puis était tombé sur eux à l’improviste, et en avait massacré plus de 30000.

Un pâtre, nommé Viriathe, échappa à ce guet-apens : il ranima le courage de ses compatriotes, les enflamma du désir de la vengeance, et commença contre les Romains une guerre de surprises et d’escarmouches, où ils perdirent leurs meilleurs soldats (148 av. J.C.). Après sept ans de succès partiels, il mit le comble à sa gloire, en forçant le consul Fabius Servilianus, enfermé dans un défilé, à signer un traité où il était dit: « Il y aura paix entre le peuple romain et Viriathe » (141 av. J.C.). Mais un nouveau crime arrêta le héros lusitanien dans sa fortune. Le successeur de Fabius, Servilius Cépion, le fit assassiner (140 av. J.C.). Son peuple se soumit. On transporta une partie des Lusitaniens sur le rivage de la Méditerranée où fut fondée pour eux la ville de Valence. Le successeur de Cépion, Junius Brutus, pénétra chez les Gallaïques jusqu’au bord du grand Océan. Il croyait la domination romaine arrivée aux extrémités de la terre, et il montra à ses légions le soleil allant éteindre ses rayons dans les mers inconnues de l’Occident, limite dernière du monde.

Numance (137-133 av. J.C.)

Numance était une petite ville bâtie sur une hauteur escarpée au bord du Douro, et qui refusa de reconnaître la domination romaine, quand le reste de l’Espagne l’acceptait. Les Numantins n’étaient que 8000 hommes, ils n’en battirent pas moins deux consuls. Un troisième, Mancinus, se laissa envelopper dans une gorge sans issue. Il promit la paix, si l’on ouvrait les passages. Les Numantins exigèrent du consul que le traité fût juré par son questeur Tibérius Gracchus, fils d’un autre Gracchus qui avait commandé avec justice en Espagne et dont le nom y était vénéré (137 av. J.C.). Comme aux Fourches Caudines, le sénat déchira le traité, livra Mancinus, et recommença la guerre.

Les consuls suivants ne surent pas effacer cette honte : deux armées échouèrent honteusement devant cette petite cité. Les soldats se mutinaient et perdaient courage, s’enfuyant dès que paraissait l’ennemi. Ces vainqueurs du monde ne pouvaient plus soutenir la vue d’un Numantin. Rome dut envoyer contre cette bourgade le destructeur de Carthage, Scipion Emilien, et 60000 hommes.

Dès qu’il fut au camp, Scipion en bannit la mollesse et l’oisiveté. Il exigea des soldats les plus rudes travaux, leur fit faire de longues marches chargés de sept pieux, de leurs armes, de vingt jours de vivres, les força à creuser des fossés pour les combler, à élever des murs pour les abattre; et, comme ils se plaignaient: « Couvrez-vous de boue », leur dit-il, « puisque vous craignez de vous couvrir de sang! ». Bientôt Numance fut enfermée d’une quadruple ligne de retranchements, et la famine y devint intolérable. Les habitants supplièrent Scipion de leur accorder une bataille : ils voulaient mourir en gens de coeur. Il ne quitta pas son camp : alors ils mirent le feu à leurs maisons et s’entr’égorgèrent (133 av. J.C.). Scipion ne put mener derrière son char de triomphe que cinquante de ces braves et pas de butin.

L’Espagne était soumise, moins les montagnards du nord, les Astures, les Cantabres, les Vascons qui restèrent indépendants jusqu’au temps d’Auguste.

Formation d’une province romaine dans la Gaule transalpine (125 av. J.C.)

En l’année 133 av. J.C., Rome était maîtresse de l’Italie et de l’Espagne, mais il lui manquait une route allant de l’une à l’autre péninsule; elle n’avait pas un pouce de terre entre les Pyrénées et les Alpes. Marseille lui fournit l’occasion d’y gagner une province.

La ville phocéenne prospérait, grâce à un gouvernement habile et fort, et elle couvrait de ses comptoirs toute la côte, depuis le Var jusqu’à l’Ebre. Les peuples du voisinage, inquiets d’une ville qu’ils avaient vue naître, se jetèrent sur les terres des Massaliotes. Ceux-ci, ennemis, à cause de leur marine, des Carthaginois et des Etrusques, avaient soigneusement cultivé l’amitié de Rome. Menacés, ils l’appelèrent à leur secours (154 av. J.C.).

Une première fois les légions vainquirent pour eux. Mais en 125 av. J.C., les Romains, de nouveau accourus aux cris de détresse de Marseille, gardèrent ce qu’ils avaient conquis (125 av. J.C.). Ils en formèrent une province à laquelle le consul Sextius donna une capitale, en fondant Aquae Sextiae (Aix, 122 av. J.C.).

Les Eduens, entre la Saône et la Loire (Bourgogne), demandèrent aussitôt à entrer dans l’alliance de Rome. Les Allobroges (Savoie et Dauphiné), plus rapprochés de la nouvelle province, vinrent au contraire l’attaquer: 20000 celtes restèrent sur le champ de bataille (121 av. J.C.). L’année suivante, les Romains franchirent à leur tour l’Isère; mais le roi des Arvernes, Bituit, les rappela soudain en jetant derrière eux 200000 Gaulois. Quand le roi celte, monté sur son char d’argent et entouré de sa meute de chiens de combat, vit le petit nombre des légionnaires : « Il n’y en a pas là », dit-il, « pour un repas de mes chiens » mais la discipline, la tactique, surtout les éléphants, vainquirent cette multitude. Quelque temps après, Bituit, attiré à une conférence, fut enlevé, chargé de chaînes, et conduit à Rome.

On réunit à la province tout le pays que le Rhône enveloppe, depuis le lac Léman jusqu’à son embouchure. Les consuls des années suivantes passèrent le Rhône et étendirent la province jusqu’aux Pyrénées. La colonie de Narbo Martius (Narbonne) dut veiller sur les nouveaux sujets.