L’Assyrie (XXIIe siècle-606 av. J.C.)

Le premier empire d’Assyrie (XXIIe siècle-759 av. J.C.)

La Mésopotamie

Des montagnes de l’Arménie descendent deux fleuves dont les sources sont voisines et qui vont, après avoir réuni leurs eaux, se jeter dans le golfe Persique : ce sont le Tigre et l’Euphrate. Ces deux fleuves embrassent entre leur cours un vaste pays, montagneux au Nord, plat et sablonneux au Centre et au Sud; la Mésopotamie, mot qui signifie entre deux fleuves, ou, comme les Juifs la nommaient, la Syrie des Rivières. Là s’élevèrent deux grandes villes, Babylone sur l’Euphrate, et Ninive sur le Tigre. Le territoire qui entourait l’une s’appelait la Babylonie, celui qui enveloppait l’autre, était le pays d’Assur ou Assyrie. Toutes deux donnèrent naissance à deux royaumes, et furent tour à tour les capitales de deux puissants empires.

Fondation du premier empire assyrien (XXIIe siècle av. J.C.)

Rien n’est célèbre dans l’antiquité comme Babylone, qu’enveloppait une double enceinte dont la plus grande avait un circuit de 92 kilomètres. Les prêtres chaldéens lui donnaient une antiquité de 432000 ans, que la Bible réduit à quelques siècles. Ce fut, dit-elle, un petit-fils de Cham, Nemrod le fort chasseur, qui fonda Babylone. Ses descendants y régnèrent jusqu’à ce que les Arabes fissent une invasion semblable à celle des Hycsos en Egypte. Au bout de quelques générations, ces conquérants éprouvèrent le même sort que les Hycsos. Un roi de Ninive, resté indépendant comme les rois de la Thébaïde, Bélus, attaqua les Arabes, reconquit Babylone, et fonda, par la réunion de Babylone et de Ninive, le premier empire assyrien, ainsi nommé d’un ancien chef, Assur, le second fils de Sém.

Ninus et Ninive (2149 ou 1968 av. J.C. ?)

Ninus, son fils (2149 ou 1968 ans avant notre ère), conquit en 17 années tous les pays situés entre l’Indus et la Méditerranée, à l’exception de la Bactriane. Au retour de ces expéditions, pour donner à ses Etats une capitale digne de lui, il reconstruisit la ville qui porta depuis son nom et que nous avons déjà appelée Ninive. La totalité de son enceinte était de 480 stades, ou de 89 kilomètres. Ses murs avaient 33 mètres de haut et étaient assez larges au sommet pour que trois chariots pussent y marcher de front. Les tours qui les défendaient, au nombre de 1500, avaient chacune 66 mètres d’élévation.

Conquête de la Bactriane (2149 ou 1968 av. J.C. ?)

Après ces travaux, Ninus recommença ses expéditions guerrières; il entreprit la conquête de la Bactriane, qu’il avait déjà vainement tentée. Il réunit, dit-on, une armée de 1700000 hommes de pied, 210000 cavaliers et 10600 chars armés de faux. Son avant-garde perdit une première bataille contre le roi des Bactriens. Mais ce prince, effrayé de la multitude de ses ennemis, s’enferma dans Bactres sa capitale. Son courage, la force des murailles arrêtèrent tous les efforts des Assyriens. Ninus désespérait de s’emparer d’une place si bien défendue, quand le courage d’une femme la lui livra.

Sémiramis (2149 ou 1968 av. J.C. ?)

Voici les fables que les Assyriens contaient sur l’origine de cette reine fameuse. Elle était fille d’une déesse syrienne, Dercéto, qui, le jour de sa naissance, l’exposa sur les rochers du Liban et se précipita elle-même dans le lac d’Ascalon, où elle fut changée en poisson. Durant une année entière l’enfant fut miraculeusement nourrie par des colombes. Recueillie par un pâtre et élevée par lui, Sémiramis grandit, devint fort belle, et fut épousée par un seigneur de la cour de Ninive, nommé Ménonès, que Ninus emmena dans son expédition de Bactriane. Dans les rochers du Liban où elle avait longtemps vécu, elle avait pris l’habitude de gravir jusque sur la cime des monts et de courir au milieu des précipices. La citadelle de Bactres était en un lieu semblable. Personne n’osait y monter. Sémiramis l’escalada avec quelques hommes aussi habiles et aussi courageux qu’elle-même. La citadelle prise, Bactres ouvrit ses portes, et Ninus, charmé de cet héroïsme, épousa la vaillante guerrière. Il mourut après l’avoir fait reine, et Sémiramis lui succéda.

Babylone

Ce que Ninus avait fait à Ninive, Sémiramis voulut l’exécuter à Babylone. L’emplacement de cette ville sur un grand fleuve navigable, l’Euphrate, et à portée du golfe Persique, était bien plus favorable que celui de Ninive sur le Tigre, cours d’eau profondément encaissé, rapide et qui n’avait au-dessus de la ville qu’une faible étendue. Voici les travaux que cette reine y exécuta, s’il faut en croire les anciens. L’enceinte de la ville fut formée par un mur long de 360 stades (67000 mètres) (Hérodote, qui visita Babylone, dit 480 stades. Le stade olympique valait 186 mètres), flanqué de 250 tours et assez large au sommet pour que deux chars pussent y passer de front. Le mur lui-même était fait de briques séchées au soleil et enduites d’asphalte. L’Euphrate passait au milieu de cette enceinte. A l’endroit où le fleuve était le plus étroit, on jeta un pont dont la longueur fut de 5 stades. On fonda d’abord dans le lit du fleuve des piles espacées de 12 pieds, dont les pierres furent jointes avec de fortes agrafes de fer, qu’on scella avec du plomb coulé dans les mortaises. L’avant-bec de ces piles eut la forme d’un angle qui, divisant l’eau, la fit glisser plus doucement sur ses flancs obliques, et modérait ainsi l’effort du courant contre l’épaisseur des massifs. Sur ces piles on étendit des poutres de cèdre et de cyprès, avec de très grands troncs de palmier, ce qui produisit un pont de 30 pieds de large. Ensuite la reine fit construire sur chaque rive du fleuve, un quai dont le mur eut la même largeur que celui de la ville et une longueur de 160 stades (près de 30 kilomètres). En face des deux entrées du pont, elle éleva deux châteaux flanqués de tours et enveloppés d’une triple enceinte de murailles. Sur les briques qui servirent à ces constructions, on avait, avant de les cuire, moulé des figures d’animaux de toute espèce, qui étaient coloriées de manière à représenter la nature vivante.

Sémiramis exécuta un autre ouvrage prodigieux : elle creusa, en dehors des murs, un immense bassin où ou dériva le fleuve. Pendant qu’il y coulait, on se hâta de construire dans son lit, mis à sec, une galerie couverte entre les deux châteaux et que fermèrent deux portes d’airain. Cette construction fut achevée en sept jours, au bout desquels le fleuve étant ramené dans son lit, la reine put passer à pied sec de l’un à l’autre de ses châteaux.

Le Temple de Bel ou la tour de Babel

Enfin elle bâtit au milieu de la ville le temple de Bel1, dont Hérodote, qui le visita, nous a laissé la description; on en voit encore aujourd’hui les ruines immenses. « C’est », dit-il, « un carré régulier qui a 2 stades en tous sens (ou en kilomètres, 0,370). On voit au milieu une tour massive, qui a 1 stade tant en longueur qu’en largeur (en kilomètres 0,185); sur cette tour s’en élève une autre; sur la seconde une troisième, et ainsi de suite; de sorte que l’on en compte jusqu’à huit. Dans la dernière tour est une chapelle, et dans cette chapelle une table d’or. En bas il y a une autre chapelle où l’on voit une grande statue d’or, qui représente Jupiter assis. Près de cette statue est encore une table d’or. Le trône et le marchepied sont du même métal. Le tout vaut 800 talents d’or. On voit hors de cette chapelle deux autels, l’un tout d’or sur lequel on immole des victimes à la mamelle, l’autre très grand, où l’on sacrifie des victimes ordinaires, et où l’on brûle tous les ans, à la fête du dieu, mille talents pesants d’encens. » 26200 kilogrammes.

1. Il faut dire cependant que la plupart des briques que la récente mission de Babylonie a trouvées 4 Babylone et dans toute la contrée environnante portent l’estampille de Nabuchodonosor, ce qui forcerait d’attribuer à ce prince les travaux accomplis, suivant les historiens anciens, par Sémiramis. Dans le livre de Daniel (chap. iv, t. 27) Nabuchodonosor dit : « N’est-ce pas là cette grande Babylone que j’ai bâtie?… »

Conquêtes de Sémiramis (2149 ou 1968 ou 1179 av. J.C. ?)

La Babylonie ainsi embellie, et un immense asile assuré à ses populations en cas d’attaque soudaine; Sémiramis alla soumettre les Mèdes révoltés. Elle fonda chez eux Ecbatane, qu’elle approvisionna d’eau en creusant dans le mont Oronte un canal de trois mètres de largeur sur treize de profondeur, qui communiquait avec un lac situé de l’autre côté de la montagne. De là elle passa en Perse, puis en Arménie, où elle éleva une ville près du lac de Van (Arcissa). Elle soumit, d’après les traditions, l’Egypte et l’Ethiopie, mais fut battue sur les bords de l’Indus. De retour dans ses Etats, elle abdiqua, et disparut mystérieusement après un règne de 42 ans (1179 av. J.C. ?). Les Assyriens crurent qu’elle avait été changée en colombe, et s’était envolée avec une troupe de ces oiseaux qui l’avaient nourrie dans son enfance, et qui étaient venus s’abattre sur son palais au moment de sa mort. Telle fut la renommée qu’elle laissa que les peuples oublièrent les noms de ses obscurs successeurs pour ne se souvenir que du sien, et tout grand ouvrage, en Asie, fut un ouvrage de Sémiramis.

Ninyas : décadence du premier empire assyrien (2149 ou 1968 ou 1179-759 av. J.C.?)

Ninyas, fils de Sémiramis, commença la longue suite de ces rois assyriens qui passèrent sur le trône sans laisser d’eux aucun souvenir, et dont la mollesse relâcha les liens de l’empire. Ces rois fainéants ne surent pas empêcher les rois de Jérusalem, David et Salomon, d’étendre leur domination jusqu’à l’Euphrate, ni le sentiment de l’indépendance se réveiller chez les nations soumises. Au temps de Sardanapale, le plus dégénéré de ces rois, éclata la révolution qui renversa le premier empire assyrien.

Sardanapale; ruine du premier empire assyrien (759 av. J.C.)

C’était la coutume de ces rois, pour maintenir leurs sujets dans l’obéissance, de tenir sur pied une armée nombreuse, que les provinces fournissaient. Ils la rassemblaient près de Ninive, donnaient aux soldats d’une même nation un gouverneur sur lequel ils croyaient pouvoir compter, et, à la fin de l’année, congédiaient ces troupes, que d’autres, en nombre égal, venaient remplacer. Ce renouvellement annuel empêchait qu’il ne se formât des relations trop intimes entre les chefs et les soldats, et semblait devoir prévenir tout complot contre le souverain. Cependant, en 761 av. J.C., deux chefs du contingent annuel s’entendirent pour renverser cette royauté oisive : Arbacès, commandant des troupes de Médie, et Bélésis, le chef des Babyloniens, qui était en même temps un des membres les plus distingués de la caste des Chaldéens. Ils se concertèrent avec d’autres chefs; Arbacès s’engagea à soulever les Perses et les Mèdes; Bélésis, Babylone et les Arabes. Ils réunirent 40000 hommes et attaquèrent Ninive. Sardanapale montra une énergie qu’on n’attendait pas de lui; il se mit à la tête de ce qui lui restait de soldats et battit les rebelles dans trois rencontres. Les conjurés commençaient à désespérer, lorsque Bélésis leur déclara que les astres étaient pour eux, et que, s’ils voulaient encore tenir cinq jours, ils auraient infailliblement la victoire.

Bélésis était bien renseigné et prophétisait à coup sûr. Quelques jours après, un puissant renfort qui arrivait de la Bactriane au secours du roi prit parti pour les rebelles. Sardanapale fut obligé de se renfermer dans Ninive. Il s’y défendit deux ans. Ses prêtres lui avaient dit qu’il n’aurait rien à craindre tant que le fleuve ne serait pas devenu son ennemi. La troisième année il tomba des pluies si abondantes que les eaux du Tigre inondèrent une partie de la ville et renversèrent le mur dans une étendue de 20 stades. Alors le roi, persuadé que l’oracle était accompli, aima mieux mourir que de tomber vivant entre les mains de ses anciens sujets. Il fit dresser dans son palais un immense bûcher sur lequel on porta son or, son argent, ses vêtements royaux; il s’y plaça avec ses femmes et ses eunuques et y fit mettre le feu.

Deuxième empire d’Assyrie (759-606 av. J.C.)

Ninive conserve ses rois (759-741 av. J.C.)

Des ruines du premier empire d’Assyrie, il se forma trois royaumes, ceux de Babylone, de Médie et de Ninive, car les vainqueurs, contents d’avoir brisé un joug odieux, laissèrent subsister leur ancienne capitale qui se donna une nouvelle maison royale.

Contenus au Nord et à l’Est par les Mèdes, au Sud par les Babyloniens, qui s’étaient rendus indépendants, les rois ninivites ne virent plus de chance d’agrandissement et de fortune que du côté de l’Occident, vers la Syrie, la Phénicie et la Palestine. Le commerce et la civilisation avaient amassé de grandes richesses dans ces régions occidentales, et ces richesses étaient fort mal défendues, car les peuples qui les possédaient étaient divisés et en guerres continuelles les uns contre les autres.

Affaiblissement des Juifs après le schisme des dix tribus

Des Syriens, nous savons fort peu de chose; il sera question plus tard des Phéniciens qui, d’ailleurs, établis au bord même de la Méditerranée, étaient couverts contre une attaque de l’Assyrie par les Syriens et les Juifs; mais de ceux-ci nous ne connaissons que trop les divisions et les malheurs.

Après la mort de Salomon, en 976 av. J.C., il s’était formé deux royaumes juifs : celui de Juda, au Sud, qui fut menacé par les Egyptiens, celui d’Israël, au Nord, qui se trouva plus particulièrement exposé aux coups des Assyriens. Au lieu de s’unir pour résister à des ennemis si redoutables, les deux Etats juifs s’attaquèrent continuellement, mêlèrent les étrangers à leurs querelles, et leur apprirent eux-mêmes les routes de Samarie et de Jérusalem. En vain, des voix patriotiques et inspirées leur montrèrent le péril; en vain, les prophètes les rappelèrent sans cesse à l’union, à la concorde, à la foi; ils ne voulurent rien entendre et succombèrent tous deux, après une existence malheureuse qui ne fut qu’une longue agonie.

Intervention des Assyriens dans Israël; Manahem tributaire de Phul, roi d’Assyrie (759 av. J.C.)

Pendant que Sardanapale succombait, le royaume d’Israël était troublé par de violentes commotions. Zacharie y était assassiné par Sellum, et Sellum par Manahem. Phul, premier roi de Ninive restaurée, s’avança avec une armée pour tirer parti de ces révolutions. Manahem l’arrêta par l’offre d’un tribut de 100 talents (759 av. J.C.).

Destruction du royaume syrien de Damas par Téglath-Phalasar (741 av. J.C.)

L’invasion ne se repousse pas avec de l’or, mais avec du fer. Les trésors donnés par Manahem ne firent qu’accroître l’avidité des Assyriens. Ils avaient appris à connaître la route de la Palestine et la faiblesse des rois juifs. Ils y revinrent 17 ans après la première invasion. Celte fois, c’était le roi de Juda, l’impie Achaz, qui, menacé par le roi de Damas, Razin, et par celui d’Israël, Phacée, coalisés contre lui, appelait à son secours le monarque d’Assyrie. Téglath-Phalasar envahit la Syrie avec une puissante armée, tua Razin et réduisit Damas, dont il transporta les habitants dans ses Etats.

Premier démembrement d’Israël (741 av. J.C.)

Il entra ensuite dans Israël, s’empara de ses plus riches provinces, et en emmena les habitants captifs en Assyrie. Le roi de Juda paya cher ce secours. Il dut se reconnaître tributaire et aller jusqu’à Damas rendre hommage au conquérant. Pour gagner sa faveur, il promit de placer dans le temple de Jéhovah l’image odieuse d’une divinité assyrienne (741 av. J.C.).

Salmanasar assiège Tyr et prend Samarie; destruction du royaume d’Israël (730-721 av. J.C.)

En 730 av. J.C., Osée tua Phacée pour prendre sa place. Un nouveau roi régnait à Ninive, Salmanasar. Il força Osée à lui payer tribut. Attiré, ensuite, en Phénicie par la renommée de ses villes, il assiégea la plus puissante, celle de Tyr. Cette ville avait de fortes murailles et était défendue par la mer. Pour la prendre, il eût fallu des vaisseaux et les Ninivites n’en avaient pas. Tyr fut sauvé. Mais Salmanasar ajouta à son empire le royaume d’Israël. Osée, pour échapper au tribut, avait imploré l’assistance du roi d’Egypte Soua. A cette nouvelle, Salmanasar accourut, enveloppa d’une armée formidable Samarie, qui se défendit trois années; quand il l’eut prise, il emmena captifs le roi et son peuple.

Sennachérib (721-711 av. J.C.)

La chute de cette ville était une menace pour Jérusalem. Ezéchias y régnait alors. Effrayé de la puissance des Assyriens, il promit au nouveau roi Sennachérib un tribut de 300 talents d’argent et de 30 talents d’or, qu’il cessa de payer quand il crut pouvoir compter sur l’appui des Egyptiens. A cette nouvelle Sennachérib entra en Judée. Tandis qu’il assiégeait Lachis, dit l’Ecriture, son général Rabsacès marcha sur Jérusalem. Quand il fut arrivé près des murs, il s’arrêta et parla ainsi à trois officiers du roi qui étaient sortis à sa rencontre : « Dites à Ezéchias: Voici comment parle le grand roi : Quel est ton espoir? En qui mets-tu ta confiance? Est-ce que tu attends secours du roi d’Egypte? Mais l’Egypte n’est qu’un roseau fragile. Si tu t’appuies sur lui, il cassera et te percera la main. Soumettez-vous à mon Seigneur et je vous donnerai 2000 chevaux, si vous pouvez toutefois trouver assez de cavaliers pour les monter. »

Alors les serviteurs du roi Ezéchias dirent à Rabsacès : « Parle-nous en syriaque, que nous comprenons, et non dans la langue des Juifs, afin que tout ce peuple qui est accouru sur les murailles ne puisse entendre ce que tu dis. » Mais Rabsacès, se tournant au contraire vers le peuple, cria d’une voix forte en hébreu : « Ecoutez ce que dit le grand roi, le roi des Assyriens : Ne vous laissez pas tromper par les discours d’Ezéchias; il ne saurait vous délivrer de nos mains. Qu’il ne vous dise pas non plus : Le Seigneur vous sauvera. Est- ce que les dieux des autres nations les ont sauvées? Ont-ils pu défendre Samarie contre moi? Quel est le dieu qui arrachera de mes mains la terre de son peuple; sera-ce celui de Jérusalem? »

Quand on rapporta à Ezéchias ces insolentes paroles, il déchira ses vêtements et envoya les anciens des prêtres vers Isaïe, pour le supplier d’implorer le Seigneur. Le prophète lui répondit : « L’Eternel a exaucé ta prière, et voici comme il parle à Sennachérib :

Tu n’entreras point dans Jérusalem, tu ne lanceras point tes flèches contre elle, tu ne l’entoureras pas de tes soldats et de tes boucliers; car je la protège et je la sauverai à cause de moi et de David, mon serviteur. » La même nuit, l’ange du Seigneur passa dans le camp des Assyriens et frappa de mort 185000 hommes.

De leur côté, les prêtres d’Egypte racontèrent à Hérodote que ce même Sennachérib vint, durant le règne du prêtre Séthos, attaquer l’Egypte avec une armée innombrable. Séthos avait offensé la caste militaire : elle ne le soutint pas. Il se trouvait donc fort embarrassé; alors il se rendit au temple et se mit à gémir devant la statue du dieu sur le sort fâcheux qu’il courait risque d’éprouver. Tout en déplorant son malheur, il s’endormit et crut voir le dieu lui apparaître, l’encourager et l’assurer que s’il marchait à la rencontre des Assyriens il ne lui arriverait aucun mal, parce qu’il recevrait un secours inattendu. Confiant dans cette vision, Séthos prit avec lui tous les gens de bonne volonté, se mit à leur tête et alla camper à Péluse qui est la clef de l’Egypte. Cette armée n’était composée que de marchands, d’artisans et de gens de la lie du peuple. Aucun homme de guerre ne l’accompagnait. Ces troupes étant arrivées à Péluse, une multitude prodigieuse de rats de campagne se répandit la nuit dans le camp ennemi et rongea les carquois, les arcs et les courroies qui servaient à manier les boucliers; de sorte que, le lendemain, les Assyriens étant sans armes, furent forcés de s’enfuir, et que la plupart périrent dans la fuite. On voit encore aujourd’hui dans le temple de Vulcain une statue de pierre qui représente ce roi ayant un rat sur la main avec cette inscription : « Qui que tu sois, apprends en me voyant à respecter les dieux. »

Meurtre de Sennachérib (711 av. J.C.)

Ces récits constatent un fait certain, l’échec de la double tentative contre Jérusalem et l’Egypte. De retour à Ninive Sennachérib embellit cette ville de nouveaux monuments. Un jour qu’il adorait son dieu dans le temple, deux de ses fils l’assassinèrent, ils ne recueillirent pas le fruit de ce parricide; ils furent obligés de s’enfuir en Arménie et de laisser le trône à Asar-Haddhon, le troisième des enfants de Sennachérib.

Babylone et Jérusalem réunies sous Asar-Haddhon à l’empire ninivite (675 av. J.C.)

Le royaume d’Assyrie avait pris assez de force par ses conquêtes dans l’Ouest et le Nord, pour être en état de profiter des dissensions dont Babylone était désolée, et replacer cette ville sous la domination de Ninive. Sennachérib y était parvenu; son fils, Asar-Haddhon était vice-roi dans cette capitale, quand il lui succéda, mais nous ignorons les détails de cette révolution. Ce fut ce prince qui s’empara de Jérusalem (675 av. J.C.) et emmena Hanassé captif à Babylone. Toutefois, le roi juif recouvra la liberté et put retourner en Palestine, à condition, sans doute, d’être le vassal et le tributaire du monarque assyrien.

Victoire des Assyriens sur les Mèdes (634 av. J.C.)

Pendant que les rois de Ninive reconstruisaient au Sud et à l’Ouest l’ancien empire d’Assyrie, les Mèdes conquéraient les provinces orientales. Sous leur roi Phraortes, ils se crurent assez forts pour entrer directement en lutte avec les Assyriens et marchèrent contre Ninive. Ils furent arrêtés dans la plaine de Ragau par une grande défaite, Phraortes même fut tué. Mais son fils Oyaxares allait le venger. Déjà il avait vaincu les Ninivites et il assiégeait leur ville, quand un événement inattendu la sauva.

Invasion des Scythes en Asie (634-606 av. J.C.)

Le Nord de l’Europe et de l’Asie paraît avoir été ébranlé à cette époque par de grands déplacements de peuples. Hérodote conte que les Massagètes chassèrent les Scythes qui se rendirent en Europe, où ils s’emparèrent du pays des Cimmériens (Russie méridionale). Ce dernier peuple ayant fui devant les envahisseurs et passé en Asie, les Scythes les y suivirent et bientôt oublièrent la poursuite des fugitifs pour mettre la main sur les richesses amassées par les grands empires de Médie et de Ninive. Cyaxares (625-585 av. J.C.), assailli par eux, fut contraint de se réfugier dans les montagnes de son pays, ce qui ne l’empêcha pas de payer tribut aux Scythes. Toute l’Asie occidentale fut de même soumise par ces barbares, qui, allant toujours devant eux, arrivèrent en Palestine avec le dessein de pénétrer en Egypte. Psammétichus, roi de ce pays, les prévint. Il alla à leur rencontre avec d’immenses trésors, les leur offrit en présent et obtint qu’ils n’envahissent pas ses Etats.

Durant vingt années les Scythes dominèrent sur l’Asie occidentale, portant partout la dévastation et la ruine, car ils ne s’arrêtaient nulle part. Ils avaient soumis les rois à des tributs, et ils prenaient encore en toute circonstance et en tout lieu ce qui était à leur convenance; aussi étaient-ils profondément haïs des peuples et de leurs chefs. L’Asie fut débarrassée de ce fléau par Cyaxares. Ce roi et son peuple formèrent un vaste complot. Ils invitèrent la plus grande partie des Scythes à des fêtes, les enivrèrent et ensuite les égorgèrent.

Destruction de Ninive et fin du second empire d’Assyrie (606 av. J.C.)

Les rois de Ninive avaient donc laissé aux Mèdes l’honneur de débarrasser l’Asie de ces hôtes incommodes. Cela veut dire que ces princes étaient retombés dans la mollesse qui avait été si fatale aux successeurs de Ninyas. Sarac ou Chinaladan rappelait en effet par ses moeurs Sardanapale et finit comme lui. Il laissa Nabopolassar, son lieutenant à Babylone, détacher insensiblement de son autorité les peuples de ce gouvernement, s’allier avec les Scythes, puis avec le Mède Cyaxares et préparer une répétition de la révolte de Bélésis contre Sardanapale. On s’en réjouit en Judée et le prophète Nahum annonça la ruine de la grande cité qui avait envoyé tant de fois ses armes contre Jérusalem.

« Voici venir celui qui apporte la bonne nouvelle. Célèbre tes fêtes, O Judée ! Car maintenant ils ne viendront plus contre toi. Ils sont détruits.

« O Ninive! Il monte vers toi, celui qui doit déraciner tes murs et le souffle de sa colère te frappe au visage.

« Je vois les armes des forts, je vois les braves qui se jouent au milieu des flammes. Les chars de guerre et les cavaliers s’avancent avec grand bruit, ils se heurtent, ils se choquent dans les chemins et les places.

« Les visages des guerriers brillent comme l’éclair, leurs yeux lancent la foudre.

« Les voici aux murailles, ils préparent leurs machines, les portes se sont ouvertes et les palais se sont écroulés.

« O ville de sang ! O cité pleine de mensonges et d’iniquités ! Les chasseurs ne passeront pas à côté de toi.

« J’entends le bruit des fouets, le cri des roues, les hennissements des chevaux; j’entends les chars dont l’essieu s’enflamme et les cavaliers qui montent.

« Je vois les épées qui brillent, les lances qui étincellent, les soldats percés de coups, et cette ruine immense.

« Pillez l’argent, pillez l’or, les richesses de Ninive sont infinies.

« Ninive est détruite ! Elle est renversée, tous les coeurs sèchent d’effroi, les genoux tremblent, les coeurs défaillent, les visages sont livides et défigurés.

« Qui connaît maintenant cette caverne où le lion apportait à ses lionnes et à ses lionceaux sa proie sanglante?

« 0 roi d’Assur! Vos pâtres se sont endormis, vos bras sommeillent, votre peuple s’en est allé sur les montagnes ? Qui le rappellera ? » Ninive succomba, et Sarac mit le feu à son palais et se brûla lui-même (606 av. J.C.). Cette fois la ville fut détruite.

Découverte des ruines de Ninive

La cité qui avait été si longtemps la reine de l’Asie disparut à ce point que la science moderne ne savait plus désigner la place où s’élevaient ses palais superbes. On croyait vaguement qu’elle avait dû se trouver à quelque distance de la ville actuelle de Mossoul, la plaine au bord du Tigre semée circulairement de collines que la nature ne pouvait avoir disposées ainsi1. En 1843, M. Botta découvrit un immense palais dont les murailles portaient encore les traces de l’incendie allumé par le second Sardanapale. Ninive était retrouvée, et des ruines exhumées, après 24 siècles, ont révélé toute sa magnificence.

1. La Mésopotamie, continuation du désert d’Arabie, ou terre d’alluvion, n’a pas de pierres à bâtir. On construisait donc avec des briques, le plus souvent séchées au soleil. De là, la fragilité de ces villes auxquelles s’appliquaient si bien les paroles de l’Ecriture : Pulvis es et in puherem reverteris.