Les colonies

C’était peu d’assurer par des traités la soumission des alliés : il fallait la maintenir par une exacte surveillance. Aussi les Romains fondèrent-ils, presque en tous lieux, des colonies. C’était comme autant de corps-de-garde au milieu du camp ennemi.

On doit distinguer deux sortes de colonies : celles qu’on peut appeler civiles, et les colonies militaires.

Les premières consistaient dans la translation d’une partie du peuple vainqueur sur le territoire du vaincu, soit en occupant une des villes soumises, soit en fondant une ville nouvelle. Outre l’avantage d’implanter les moeurs et les lois romaines au milieu d’une nation alliée, le sénat y trouvait celui de se débarrasser d’un peuple turbulent, et de donner des terres à qui n’avait rien.

Les colonies militaires ne prirent naissance qu’après les guerres civiles ou les guerres trop lointaines. Ces deux sortes de guerre retenant fort longtemps le citoyen sous les drapeaux, il fallait bien, au sortir du service, l’indemniser de son dévouement et surtout le tenir éloigné de Rome, où sa présence eût été dangereuse. Alors on lui donnait le sol conquis à cultiver; alors on lui bâtissait une ville, et on le retenait, loin du pays natal, par l’appât de la propriété, et le simulacre des libertés du Forum.

Pour l’établissement d’une colonie, il fallait un sénatus-consulte. Le peuple nommait des commissaires, chargés de se transporter sur les lieux et d’inaugurer ce nouvel établissement, dans les formes les plus solennelles. Ces commissaires étaient toujours choisis parmi les plus éminents personnages. Arrivés au lieu désigné, ils présidaient aux sacrifices d’usage, et traçaient l’enceinte de la ville, s’il s’agissait d’en construire une. Une charrue, attelée d’un boeuf et d’une génisse, marquait cette enceinte. Derrière la charrue marchaient, en grande pompe, les sacrificateurs, les commissaires, les colons. A la place où devaient être les portes, on soulevait la charrue, pour qu’elle ne touchât pas la terre. De là est venu le mot porta (portare). Puis, on immolait le boeuf et la génisse, et l’on commençait les constructions. Les commissaires réglaient la distribution du terrain, et nommaient à toutes les fonctions administratives de la nouvelle colonie.

Les privilèges des colonies étaient les mêmes que ceux des villes municipales.

Indépendamment des colonies, les Romains, suivant les circonstances, fondèrent, en diverses localités, des établissements qu’ils appelaient fora (Forum), proprement marchés ou lieux de réunion (forum Appii, forum Flaminii, forum Julii, etc.).

Le motif de cette fondation paraît avoir été la nécessité d’établir la juridiction romaine, en présence des villes dans l’intérieur desquelles, en vertu des traités, elle ne pouvait pas s’exercer. Ces forums, toujours situés sur les grandes routes, par conséquent sur le passage des armées, étaient comme les étapes du despotisme. En posant là son tribunal, le magistrat militaire de Rome échappait aux exigences des villes municipales, et exerçait dans toute son étendue le pouvoir souverain.