Les décemvirs (450 av. J.C.)

Les décemvirs (450 av. J.C.)

Les coutumes de Rome n’étaient pas écrites et laissaient par conséquent beaucoup de latitude à l’arbitraire. En 461 av. J.C., le tribun Terentillus Arsa demanda la rédaction d’un code de lois. Le sénat repoussa pendant dix ans cette proposition. Il céda enfin, et les comices par centuries élurent dix anciens consuls pour un an qu’on nomma décemvirs à cause de leur nombre; le principal d’entre eux était un patricien illustre, Appius Claudius. Pour écrire ces lois nouvelles ils furent investis des pouvoirs les plus étendus, et pour que rien ne gênât leur action, on n’élut ni consuls, ni tribuns.

Les lois des Douze-Tables (450 av. J.C.)

La première année, les décemvirs se montrèrent justes et affables, la tyrannie a souvent d’heureuses prémices. Ils rédigèrent de nombreuses lois qu’ils firent graver sur dix tables de bronze, et qu’ils soumirent à l’examen du peuple. Les dix tables furent acceptées. Le code se trouva complet, dès l’année suivante, par la publication de deux nouvelles tables.

Appius Claudius (450 av. J.C.)

Mais Appius Claudius, qui avait réussi à se faire réélire en obtenant pour collègues neuf hommes obscurs, n’eut pas de peine à les dominer. On vit alors les décemvirs paraître en public avec cent vingt licteurs portant les haches aux faisceaux, ils semblaient dix rois, et ils en avaient l’orgueil.

Leur despotisme aurait pu durer longtemps car cédant à de vieilles rancunes, le sénat voyait avec quelque joie ce triste fruit d’une loi populaire, et la jeunesse patricienne, habituée depuis longtemps à la violence, devint à la ville comme l’armée des décemvirs. Mais un crime, semblable à celui qui avait amené la chute de Tarquin, amena celle d’Appius et de ses collègues.

Virginie (449 av. J.C.)

Appius avait aposté un de ses clients pour réclamer, comme son esclave, Virginie, fille d’un plébéien des plus distingués. En vain son père Virginius, son fiancé Icilius et de nombreux témoins offrent de prouver qu’elle est de naissance libre. Appius au mépris de la loi des Douze-Tables, son propre ouvrage, adjuge la jeune fille à son complice. Mais Virginius saisit un couteau sur l’étal d’un boucher, la frappe au coeur, l’aimant mieux morte que déshonorée, et échappant aux licteurs, court à l’armée campée sur le mont Algide.

Seconde retraite du peuple sur le mont Sacré (449 av. J.C.)

La vue de Virginius, ses larmes, le sang qui le couvre, le récit qu’il fait soulèvent les soldats. Ils marchent sur Rome, entraînent le peuple et vont avec lui camper sur le mont Sacré. C’était la seconde fois que les plébéiens se retiraient de la ville, mais les patriciens n’étaient pas insensés au point d’essayer pour les décemvirs ce qu’ils n’avaient pas osé faire pour eux-mêmes cinquante ans auparavant.

La mort d’Appius (449 av. J.C.)

Les décemvirs, abandonnés de tous, abdiquèrent. Deux sénateurs populaires, Valérius et Horatius, furent envoyés aux plébéiens : ils promirent le rétablissement du tribunat et du droit d’appel avec une amnistie pour tous ceux qui avaient pris part à la révolte. A ces conditions, la plèbe rentra dans Rome, et la concorde fut rétablie. Quant aux décemvirs, le plus coupable, Appius, fut cité en justice par Virginius, mais il n’attendit pas son jugement et se donna la mort. Les autres furent condamnés à l’exil, on confisqua leurs biens.

L’égalité civile

Douze-Tables de lois qu’avaient publiées les décemvirs établissaient une grande chose, l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Mais elles laissaient subsister l’interdiction des mariages entre les deux ordres, et de plus l’inégalité politique : car les plébéiens restaient exclus des hautes charges de l’Etat, ils ne pouvaient pas plus être consuls qu’ils ne pouvaient épouser une patricienne.

L’égalité politique (445 av. J.C.)

Cette double prohibition fut vivement attaquée. Dès 445 av. J.C., la première fut abolie sur la demande du tribun Canuleius. La seconde subsista longtemps encore; car plutôt que de céder le consulat, les patriciens le démembrèrent.

La censure (444 av. J.C.)

Une partie des fonctions consulaires fut donnée, en 444 av. J.C., à deux magistrats nouveaux, les censeurs. Cette charge devint promptement la première de Rome. Elle ne fut donnée qu’aux plus illustres personnages, à ceux qui avaient déjà passé par les autres magistratures, et les censeurs n’eurent pas seulement à faire le cens, c’est-à-dire le dénombrement des citoyens, mais à administrer les finances de l’Etat, à régler les rangs des citoyens, à dresser la liste du sénat et à veiller au maintien des bonnes moeurs.

Le tribunat militaire à pouvoir consulaire (444 av. J.C.)

Restaient les prérogatives militaires du consulat, elles furent confiées à des généraux, au nombre de trois, quatre ou six, qu’on nomma tribuns consulaires et qui purent être plébéiens (444 av. J.C.). Telle fut la modération de ce peuple alors si sage que, content d’avoir fait proclamer son droit, il évita pendant quarante-quatre ans d’en user, laissant les patriciens gérer seuls le tribunat militaire, parce qu’il les croyait seuls capables de bien le remplir.