Les dieux de la Grèce

Le nombre des dieux importés fut si considérable, que Varron en comptait jusqu’à six mille, au nombre desquels il y avait trois cents Jupiter. Ce calcul est sans doute exagéré; mais ce qui est certain, c’est qu’il y avait à Rome plus de quatre cents temples. Junon seule en avait sept, sous les différents noms de Juno pronuba, Juno cinxia, Juno lucina, Juno matrona, Juno juga, Juno moneta, Juno regina. Jupiter en avait plus encore, car indépendamment du magnifique temple du Capitole, où il était honoré sous les noms de Jupiter Optimus Maximus, on remarquait les temples de Jupiter feretrien, Jupiter Stator, Jupiter Victor, Jupiter Latialis, Jupiter fidius, etc.

On partageait les dieux, comme les patriciens, en divinités du premier ordre, dii majorum gentium, et divinités du second ordre, diiminorum gentium.

Une description plus détaillée se trouve dans le portail au sein de la rubrique Mythologie.

Les premiers étaient au nombre de douze : ils sont tous réunis dans ces deux vers d’Ennius.

Juno, Vesta, Ceres, Diana, Minerva, Venus; Mars,

Mercurius, Jupiter, Neptûnu, Vulcanus, Apollo.

Les autres étaient Esculape, Cybèle, Bellone, Bacchus, Pluton, Saturne, Hercule, et toute cette armée de dieux inférieurs qui présidaient aux différents phénomènes du monde physique et de la vie humaine, l’Aurore, Eole, Flore, Pomone, Pan, Priape, les Satyres, les Faunes, les Nymphes, etc., etc., et pour lesquels nous renvoyons à la mythologie grecque.

Quant aux grands dieux, ils n’eurent pas droit de cité tous à la fois, et n’obtinrent pas tous également les mêmes honneurs. Il reste inutile de dire que Jupiter apporta à Rome sa suprématie incontestée, et que tout autre pouvoir s’effaça devant le sien. Ce fut aussi le premier occupant de l’Olympe romain; car nous ne parlons pas de l’antique Vesta, qui n’eut de commun avec celle des Grecs que le nom.

Junon n’eut de temple à Rome qu’après la prise de Veies, où elle était adorée sous le nom de Reine. Camille, selon la cérémonie en usage pour appeler les dieux étrangers, l’invita à venir demeurer à Rome, et on lui bâtit un temple sur l’Aventin. Ce fut aussi Camille qui amena Minerve, divinité protectrice de Falères.

Le culte d’Apollon, établi pendant une peste, devint un des plus brillants, par l’institution des jeux apollinaires, en 542 de Rome (211 av. J.C.). Ces jeux se célébraient avec une rare magnificence.

La Venus grecque n’eut de temple à Rome qu’en 458 de Rome (295 av. J.C.).

Au reste, les attributs de ces divinités étant les mêmes que chez les Grecs, nous n’en parlerons pas.

Nous ferons seulement observer que Saturne et Bellone, bien qu’ils ne fussent pas majomm gentium, étaient l’objet d’un respect particulier, peut-être seulement à cause de l’importance des monuments qu’on leur avait consacrés. Le trésor public, comme on sait, et les aigles des légions étaient déposés dans le temple de Saturne, et c’était dans celui de Bellone que le sénat tenait ses assemblées les plus solennelles, et recevait les ambassadeurs.

Saturne devait sans doute aussi beaucoup à la tradition qui le représentait cherchant un asile dans le Latium, après son expulsion du ciel.

Une idée toute romaine, et plus extravagante encore, s’il est possible, était venue compliquer ce bizarre paganisme. On avait personnifié et, par suite, divinisé des vertus, des vices, des conceptions morales et métaphysiques, des abstractions.

Ainsi, l’on éleva des temples ou des chapelles à la Concorde, à la Vertu, à l’Honneur, à la Pudeur, à la Clémence, à la Liberté, à la Victoire, à la Santé (salus), à la Tranquillité (qvties), à la bonne Foi (fides), au bon Sens (mens), à la Félicité, à l’Occasion, à l’Espérance, à l’Audace, à la Tempête, à la Fièvre, à la Peur, à la Pâleur, etc., etc. On en éleva surtout à la Fortune, un pour les hommes, un pour les femmes (Jortunae virili, fortunae muliebri) : ce dernier fut construit en l’honneur de la mère de Coriolan.

Il faut avouer que dans ce chaos mythologique et allégorique, les vrais croyans devaient être fort rares.