Les Mèdes (759-589 av. J.C.)

Les Mèdes

Les Mèdes et les Perses étaient un peuple de même origine, de même langue et de même religion. Ils habitaient, à l’Orient du Tigre, la région montagneuse qui forme comme un isthme, entre la mer Caspienne et le golfe Persique, les Mèdes occupant le Nord de cet isthme, vers Ecbatane, les Perses le Sud-Est, vers Persépolis. Les premiers précédèrent les seconds dans la domination de l’Asie. Plus voisins de Ninive, ils sentirent de plus près la domination assyrienne.

Arbacès (759 av. J.C.)

Leur chef, Arbacès, s’entendit avec le Babylonien Bélésis pour renverser le premier empire assyrien (759 av. J.C.). Cet Arbacès, qui avait su délivrer son peuple, ne sut pas l’organiser; du moins on voit les Mèdes, après lui, contents de ne plus payer tribut à l’étranger, vivre à l’écart, chacun dans sa tribu. De là des dissensions dont un d’entre eux profita pour s’élever au souverain pouvoir.

Déjocès (709-656 av. J.C.)

Il y avait, dit Hérodote, chez les Mèdes, un sage nommé Déjocès. Considéré depuis longtemps dans sa tribu, il y rendait la justice, comme arbitre, et avec tant de zèle et d’équité, que les habitants de son district le choisirent pour chef. Ceux des autres cantons, opprimés par de mauvais juges, accoururent à son tribunal, et chaque jour la foule de ses clients augmenta.

Quand Déjocès vit qu’il portait seul tout le poids des jugements, il renonça formellement à ses fonctions. Il prétexta le tort qu’il se faisait à lui-même, en négligeant ses propres affaires, tandis qu’il passait les jours entiers à terminer les différends d’autrui. Alors les brigandages et l’anarchie reparurent dans le pays. Les Mèdes, fort en peine de les faire cesser, s’assemblèrent pour tenir conseil. Les amis de Déjocès y parlèrent à peu près en ces termes : « La vie que nous menons est intolérable et il nous faudra abandonner ce pays, à moins que nous ne choisissions un roi pour maintenir la paix parmi nous. La Médie étant alors gouvernée par de bonnes lois, nous pourrons cultiver avec sécurité nos campagnes, sans craindre d’en être chassés par la violence et l’injustice. »

Ce discours persuada les Mèdes de se donner un roi, et on délibéra aussitôt sur le choix qu’il fallait faire. Tous les suffrages se réunirent en faveur de Déjocès; il fut élu d’un consentement unanime. Alors il commanda qu’on lui bâtît un palais conforme à sa dignité, et qu’on lui donnât des gardes pour la sûreté de sa personne. Les Mèdes obéirent : on construisit, à l’endroit qu’il désigna, un édifice vaste et bien fortifié, et on lui permit de choisir dans toute la nation des gardes à son gré.

Il ordonna ensuite à ses sujets de bâtir une ville, de l’orner et de la fortifier, sans s’inquiéter des autres places. Les Mèdes construisirent la ville forte et immense qu’on appelle Ecbatane, dont les sept enceintes sont bâties de manière que chacune d’elles ne surpasse l’enceinte inférieure que de la hauteur de ses créneaux. L’assiette du lieu, qui s’élève en colline, en facilita les moyens. La première a ses créneaux peints en blanc; la seconde en noir; la troisième en pourpre; la quatrième en bleu; la cinquième en rouge orangé; la sixième en argent, et la septième en or. En dedans de celle-ci, au point le plus élevé et le plus fort de la place, se trouvaient le palais et le trésor du roi.

Son palais construit, Déjocès ordonna au peuple de se loger dans les autres enceintes, et établit pour règle que personne n’entrerait chez le roi sans y être mandé; que toutes les affaires s’expédieraient par l’entremise d’officiers qui en feraient leur rapport au monarque; que jamais on ne fixerait ses regards sur le prince, et qu’on ne rirait ni ne cracherait en sa présence.

Déjocès institua ce cérémonial imposant afin que les personnes qui avaient été élevées avec lui ne pussent lui montrer une familiarité inconvenante. Il croyait qu’en se rendant invisible à ses sujets, il passerait bientôt pour être d’une espèce différente.

Ces règlements faits et son autorité affermie, il rendit sévèrement la justice. Les procès lui étaient adressés par écrit; il les jugeait et les renvoyait avec sa décision. Quant à la police, s’il apprenait que quelqu’un eût fuit une injure, il le mandait, lui infligeait une peine proportionnée au délit, et, pour cet effet, il avait dans toutes les provinces des émissaires qui veillaient sur les actions et les discours des sujets.

Il mourut après un règne de cinquante-trois ans. Son fils Phraortes lui succéda.

Phraortes (656-634 av. J.C.)

Phraortes ne se contenta pas du royaume de Médie; il attaqua d’abord les Perses, et ce fut le premier peuple qu’il assujettit. Avec ces deux nations, l’une et l’autre très puissantes, il subjugua les autres peuples de l’Asie, et marcha de conquête en conquête jusqu’à son expédition contre les Assyriens de Ninive. Quoique très affaiblis à cette époque, les Ninivites vainquirent les Mèdes, et Phraortes périt à la bataille de Ragau avec la plus grande partie de son armée. Il avait régné vingt-deux ans.

Cyaxares (634-585 av. J.C.)

Cyaxares fut encore plus belliqueux que son père. Il fut le premier à séparer les peuples en différents corps de troupes; il assigna aux cavaliers et aux fantassins qui portaient la pique ou l’arc, chacun son rang à part. Car, avant lui, toutes les armes et tous les rangs étaient confondus. Sa première attaque contre Ninive pour venger son père, l’invasion des Scythes, comment Cyaxares en débarrassa l’Asie, enfin sa seconde campagne contre les Assyriens.

La destruction de Ninive valut à Cyaxares la soumission du Nord de la Mésopotamie, ou du moins lui ouvrit l’entrée de l’Asie Mineure qu’il soumit jusqu’au fleuve Halys. Au-delà de ce fleuve commençait la domination des Lydiens. Les Mèdes entrèrent en guerre avec ce peuple.

Les Scythes chasseurs et Cyaxares (vers 612 av. J.C.)

Une bande de Scythes nomades s’était retirée sur les terres de Cyaxares. Ce prince les reçut en suppliants et les traita bien. Il conçut même tant d’estime pour eux, qu’il leur confia des enfants de la Médie auxquels ils apprendraient à parler la langue scythe et à tirer de l’arc, car les Scythes étaient très adroits à cet exercice. A raison même de cette habileté, les Scythes devinrent les pourvoyeurs de la table royale, et chaque jour ils rapportaient beaucoup de gibier. Une fois, cependant, ils revinrent sans avoir rien pris. Cyaxares, qui était d’un caractère violent, les traita de la manière la plus dure. Indignés de recevoir des outrages qu’ils ne croyaient pas avoir mérités, les Scythes résolurent de se venger, mais imaginèrent une vengeance abominable : c’était de couper en morceaux un des enfants dont on leur avait confié l’éducation, de le préparer de la manière qu’ils avaient coutume d’apprêter le gibier, de le servir à Cyaxares, comme leur chasse, et de se retirer aussitôt à Sardes chez les Lydiens. Ce projet fut exécuté : Cyaxares et ses convives mangèrent ce qu’on leur avait servi; et les Scythes, le coup fait, se retirèrent auprès du roi de Lydie Alyatte, dont ils implorèrent la protection.

Guerre entre les Lydiens et Cyaxares; éclipse prédite par Thalès de Milet (585 av. J.C.)

Cyaxares demanda à Alyatte de lui livrer les fugitifs, et sur son refus l’attaqua. Pendant cinq années, les Mèdes et les Lydiens eurent alternativement l’avantage. La sixième, il y eut une espèce de combat nocturne : car le jour se changea tout à coup en nuit, tandis que les deux armées étaient aux mains. Thalès de Milet avait prédit aux Ioniens ce changement, et il en avait fixé le temps en l’année où il s’opéra1. Les Lydiens et les Mèdes, voyant que la nuit avait pris la place du jour, cessèrent l’action, et s’empressèrent de faire la paix (585 av. J.C.). Syennésis, roi de Cilicie, et Labynit, roi de Babylone, en furent les médiateurs. Persuadés que les conventions ne peuvent avoir de durée sans un lien puissant, ces deux princes engagèrent Alyatte à donner sa fille à Astyages, fils de Cyaxares. Dans la cérémonie qui eut lieu pour le traité entre les deux rois, il se passa un incident étrange.

Selon un usage habituel à ces peuples, les négociateurs se firent de légères incisions au bras et burent réciproquement le sang qui en découlait.

Cyaxares mourut après quarante ans de règne; son fils Astyages (585-589 av. J.C.) lui succéda.

1. Thalès, philosophe grec, qui fut placé au nombre des sept sages. Il visita l’Egypte, probablement l’Assyrie et conversa avec les prêtres de ces deux pays. Il est le premier parmi les Grecs, qui se soit occupé, avec éclat, d’astronomie et de géométrie.