Les Temples et les sacrifices

En faisant la description de Rome, nous avons parlé des principaux temples de cette ville. On en comptait jusqu’à cinquante sur le Capitole. Le plus magnifique de tous était, sans contredit, celui de Jupiter Capitolin.

On y montait par cent degrés : au sommet de cet escalier, on trouvait une vaste plateforme entourée de galeries couvertes. Au fond était le temple, de forme carrée, la façade tournée vers le couchant.

Il se composait :

1° d’un superbe portique à colonnes;
2° de deux ailes formées par des galeries, et consacrées, l’une à Junon, l’autre à Minerve;
3° du corps principal, appelé cella, et au fond duquel était le sanctuaire (sacrarium, penetrale). Le peuple n’y        entrait pas, et il y régnait une grande obscurité. Là s’élevait la statue du Dieu.

Devant lui étaient trois autels, à des degrés différents. Le plus haut (altare, alta) touchait à ses pieds. On y brûlait l’encens, on y faisait les libations. Le second, plus bas, servait pour les immolations. L’autel inférieur était portatif: on y plaçait les vases sacrés et les offrandes.

Toutes les richesses des cultes étrangers étaient venues s’engloutir dans ce temple, dont le trésor (donarium) renfermait les objets les plus précieux, des trépieds et des vases d’or, d’argent, d’agathe, de porphyre, les plus brillantes couronnes, les plus riches vêtements, dépouilles des rois et des nations. Une multitude de tableaux, de statues remplissait le temple; on y remarquait celle de la Victoire, en or massif, pesant trois cents livres, présent du roi Hiéron. A toutes les colonnes pendaient des offrandes, des drapeaux, des trophées d’armes enlevés aux ennemis. Rome avait déployé là tout l’appareil de son orgueilleuse magnificence.

Les autres temples, sans être aussi somptueux, étaient décorés dans le même système, c’est-à-dire, ornés d’offrandes, de tableaux, de guirlandes, de statues. Il y avait en outre une infinité de chapelles (sacella) consacrées par la piété des particuliers, ou pir le voeu particulier d’une curie. Mais ces consécrations ne pouvaient se faire sans l’autorisation du sénat, et tout lieu consacré devait être public.

Lorsque, en vertu d’un voeu public ou particulier, on décrétait la construction d’un temple, le peuple désignait le magistrat qui devait faire la consécration. On entourait de guirlandes de rieurs l’enceinte choisie, les vestales la purifiaient, et le magistrat, assisté d’un pontife qui lui dictait la formule, présidait au sacrifice d’inauguration, et posait la première pierre. Puis, sénateurs, chevaliers, magistrats, s’empressaient tous de traîner, sur le lieu même, les premiers matériaux de la construction. Le temple achevé, le même magistrat en faisait la dédicace, avec une pompe pareille1.

L’adoration consistait à porter la main à sa bouche (ad-os, ad-orare) et à l’étendre ensuite vers le temple. Ce geste était suivi de génuflexions. Souvent on montait à genoux les degrés du temple, et l’on baisait le seuil.

Pour prier la divinité, on touchait les genoux de la statue, souvent même sa barbe, et l’on commençait toujours par demander au dieu sous quel nom il préférait qu’on l’invoquât. Quelquefois on attachait avec de la cire, aux genoux de la statue, un billet sur lequel ou avait écrit son voeu.

Les sacrifices étaient toujours précédés par des prières dictées par le pontife, et répétées mot-à-mot par le magistrat qui présidait. La première condition étant de se présenter devant les dieux pur de toute souillure, on commençait par des ablutions. Le magistrat devait avoir la tête couronnée du feuillage consacré au dieu; les prêtres se couvraient la tête d’un voile.

Avant le sacrifice, un prêtre criait à haute voix, que ceux qui se sentaient coupables d’un crime eussent à se retirer. Un autre ordonnait qu’on s’abstint de toute parole de mauvaise augure (favete linguis).

Le choix des victimes n’était pas indifférent : on immolait aux dieux du ciel et de la terre des victimes blanches, et des noires aux divinités infernales. Les premières devaient être frappées de haut en bas, et la tête levée; les autres en sens et dans une position contraires. Aux divinités de l’eau, on sacrifiait des victimes noires et blanches, dont on jetait les entrailles dans les flots. A Jupiter, c’étaient des boeufs qu’on immolait; à Neptune, un taureau; à Latone, une vache; à Bacchus, un sanglier; à Cérès, une truie, etc. La victime devait être parée de fleurs, on lui dorait les cornes, et il fallait qu’elle eût l’air de marcher volontairement à l’autel.

La victime arrivée à l’autel, le prêtre répandait sur elle de la farine cuite au four et mêlée de sel. On appelait cette farine mola (d’où est venu le mot immolare). Puis il prenait un vase rempli de vin, noxmé simpuvium, et après en avoir goûté et fait goûter aux assistants, il en versait dans une patère, et en répandait sur la tête de la victime : on appelait cette cérémonie libation. Puis il lui arrachait quelques poils du front, et les jetait sur le feu de l’autel : on faisait aussi des libations sur ce feu. Alors on déliait la victime, et on la livrait aux sacrificateurs; si elle cherchait à s’échapper, c’était un présage funeste.

Pendant qu’on l’égorgeait, des nuages d’encens l’enveloppaient, et les augures observaient avec soin le pétillement de l’encens, la direction de la fumée. Quand la victime était dépouillée, on l’abandonnait aux aruspices, qui la lavaient, la découpaient, en observaient les entrailles, et préparaient leurs prédictions. Ensuite les prêtres prenaient un morceau de chaque membre et de chaque partie intérieure, l’enveloppaient de farine, et l’apportaient dans des paniers pour venir le brûler sur l’autel. Quelquefois on brûlait la victime entière, alors le sacrifice s’appelait holocauste.

Dans le premier cas, l’offrande consumée, le reste de la victime était partagé entre les sacrificateurs, qui en faisaient un festin. Si le sacrifice avait été public, c’était aux épulons à ordonner la distribution de ce festin, et à faire les invitations.

Voyez dans Tacite la consécration du nouveau temple du Capitole, sous Vespasien. (Hist., liv. 4, ch. 53.)