Les Tribuns du peuple

Ce fut quand le peuple mécontent se retira sur le mont Sacré, qu’on lui accorda des magistrats tirés de son sein, et représentants de ses intérêts. On les appela tribuns du peuple.

On n’en créa d’abord que deux : en 471 av. J.C., la loi du tribun Voleron Publilius, qui des curies transporta leur nomination aux tribus, en ajouta trois autres.

Enfin, en 457 av. J.C., il y en eut dix; et ce nombre fut toujours maintenu.

Un patricien ne pouvait être tribun, à moins de se faire adopter par un plébéien.

Les tribuns étaient nommés dans les comices par tribus; ils entraient en charge, jusque vers le milieu du sixième siècle, le quatrième jour avant les ides de décembre, puis ils y entrèrent aux nones du même mois.

Quand la journée ne suffisait pas pour l’élection, les élus choisissaient leurs collègues pour compléter le nombre de dix1; mais en 448 av. J.C., la loi Trebonia voulut que les suffrages fussent continués jusqu’à la fin de l’élection.

Les tribuns n’avaient aucun insigne; ils se faisaient seulement précéder d’un viator, espèce de messager aux ordres de tous les magistrats pour porter leurs dépêches. Leur pouvoir ne s’étendait qu’à un mille de Rome, et ils ne leur étaient pas permis de franchir cette limite, excepté aux féries latines.

En outre, ils devaient tenir leurs maisons ouvertes jour et nuit pour accueillir toutes les réclamations.

Mais en échange de ces obligations, leurs prérogatives étaient immenses.

Nul ne pouvait les interrompre quand ils parlaient, ni porter la main sur eux; leur personne était inviolable et sacrée; il était défendu de mal parler d’eux.

De leur côté, ils avaient le droit de faire saisir et mener en prison sur le champ, par leur viator, tout citoyen, quel que fût son rang, dont ils auraient eu à se plaindre. On sait que plus d’une fois, ils tentèrent d’exercer ce droit sur le consul lui-même.

Ils assistaient aux assemblées du sénat, et, bien que dans l’origine ils n’eussent pas entrée dans la salle des délibérations, et que jamais ils n’aient eu le droit d’y prendre part, un sénatus-consulte n’était valable que s’ils y apposaient d’un commun accord la lettre T. Un seul d’entre eux pouvait le rendre nul, en y inscrivant ce mot veto.

Ajoutez à ces droits celui qu’ils avaient de délivrer de prison un accusé avant que son jugement fût prononcé, et vous concevrez que cette indomptable autorité ne pouvait succomber que par ses excès mêmes. Elle ne donnait prise au pouvoir aristocratique que par un côté, le nombre des tribuns: il était facile d’entretenir la division parmi eux, surtout depuis que les plébéiens purent arriver à toutes les magistratures. L’ambition et la vanité, comme l’amour des richesses, ne permettaient guères de se contenter de la puissance tribunitienne, quand on pouvait monter plus haut.

1. On appelait cette opération cooptatio