La fondation de Rome (753 av. J.C.)

Le Latium

Au centre de l’Italie, entre les Apennins et la méditerranée, s’étend une vaste plaine sillonnée de hautes collines et qu’on nomme le Latium. Cette plaine arrosée, à l’une de ses extrémités par le Tibre, est d’une extrême fertilité. Aussi le Latium eut-il, dès la plus haute antiquité, une population nombreuse. On n’y comptait pas moins de 30 villes. La plus renommée fut d’abord l’Albe la Longue, ainsi appelée parce qu’elle s’étendait sur les flancs du mont Albain. Rome succéda à sa puissance.

Origine du peuple romain

Les romains entouraient de traditions le berceau de leur origine. Au commencement, disaient-ils, régnait sur les autochtones du Latium, un roi étranger, fils d’Apollon, Janus. Il donna à Saturne, dépossédé par Jupiter, le mont Capitole, et le dieu, pour prix de cette hospitalité, enseigna aux Latins, l’art de cultiver le blé et la vigne. A Janus, succédèrent Picus, Faunus et l’arcadien Evandre, qui bâtit une ville sur le Palatin. Hercule aussi vint dans le Latium, où il abolit les sacrifices humains, et tua sur l’Aventin le brigand Cacus. Rome plaçait donc des dieux, des demi-dieux et des héros à l’origine de son histoire.

Enée

Enée, fils d’Anchise et de Vénus dit la légende, s’étant échappé des ruines de Troie, vint débarquer sur les côtes du Latium avec son fils Ascagne, les dieux pénates et le Palladium1 de Troie. Latinus, roi du pays, accueillit l’étranger et lui donna pour épouse sa fille Lavinia et fonda Lavinium. Mais dans une bataille contre les Rutulles, Enée, vainqueur de Turnus, disparut au milieu des flots du Numicus; on l’adora sous le nom de Jupiter Indigète.

1. Le Palladium était une statue de Pallas que l’on disait tombée du ciel et à laquelle étaient attachées, disait-on, les destinées de Troie. Ulysse crut la ravir, mais Enée l’emporta en Italie, et d’Albe elle passa à Rome où elle était conservée dans un lieu secret que seuls le Grand Pontife et la grande vestale connaissaient.

Numitor et Amulius

Ascagne continua la guerre, et dans un combat singulier, tua Mézence, l’allié de Turnus. Quittant alors la côte insalubre où son père avait fondé Lavinium, il alla bâtir Albe la Longue sur le mont Albain. Douze rois du sang d’Enée s’y succédèrent; le dernier, Procas, laissa deux fils, Numitor et Amulius. Numitor, étant l’aîné, aurait dû hériter du royaume, mais Amulius s’en saisit, et pour que son frère, qu’il relégua dans un domaine éloigné, n’eût pas de postérité qui revendiquât un jour ses droits, il tua le fils de Numitor et plaça sa fille Rhéa Sylvia parmi les vestales. On appelait ainsi les jeunes filles consacrées au culte d’une antique divinité des peuples italiques. Elles devaient entretenir sur l’autel de la déesse Vesta un feu sacré perpétuel : celle qui le laissait s’éteindre ou qui violait son voeu de chasteté, était enterrée vivante. Mais de grands honneurs récompensaient ces femmes de leur piété et le peuple les entourait du plus grand respect.

Romulus et Rémus

Or, un jour que Sylvia était allée puiser, à la source du bois sacré, l’eau nécessaire au temple, Mars1 lui apparut, et promit à la jeune fille effrayée de divins enfants. Devenue mère, Sylvia fut condamnée à mort, selon la rigueur des lois du culte de Vesta, et ses deux fils jumeaux furent exposés sur le Tibre. Le fleuve était alors en cru; leur berceau, doucement porté par les eaux jusqu’au mont Palatin, s’arrêta au pied d’un figuier sauvage, et une louve, attirée par leurs cris, les nourrit de son lait. Un berger des troupeaux du roi, Faustulus, ayant vu ce prodige étrange, prit les deux enfants et les donna à sa femme Acca qui les appela Romulus et Rémus.

Elevés sur le Palatin, comme les enfants du berger, les fils du dieu Mars grandirent en force et en courage. Un jour, ils prirent querelle avec les bergers de Numitor, dont les troupeaux paissaient sur l’Aventin; et Rémus surpris dans une embuscade, fut traîné par eux devant leur maître. Les traits du prisonnier, son âge, cette double naissance, frappèrent Numitor; il se fit amener Romulus et Faustulus découvrit aux deux jeunes gens le secret de leur naissance. Aidés de leurs compagnons, ils tuèrent Amulius, et Albe rentra sous la domination de Numitor. En récompense, il leur abandonna tout le pays qui s’étendait du Tibre à la route d’Albe, jusqu’à une distance de six mille pas.

1. Les romains avaient fait des dieux de tout ou pour tout. Ils en avaient pour la paix et pour la guerre, pour la santé et pour la maladie, pour les champs et pour la ville. Ils en avaient aussi pour chaque maison. Ceux-ci étaient les dieux lares ou les pénates. On les représentait par de petites figurines placées près du foyer. On leur offrait des gâteaux et du miel; une lampe brûlait devant eux et ils devaient éloigner de la maison les maléfices. Les villes avaient parfois leurs pénates publics. C’étaient ceux-là qu’Enée avait enlevés, disait-on, de Troie, et que Lavinium conserva longtemps.

Emplacement de Rome

C’est là qu’ils avaient été sauvés, là qu’ils avaient vécu. Ils voulurent y bâtir une ville. L’endroit était propice, car on y était au bord du plus grand fleuve de la péninsule italienne, à peu de distance de la mer et sur la frontière de trois peuples, les Sabins, les Latins et les Etrusques, aux dépens desquels il fut aisé plus tard aux romains de s’agrandir. En outre plusieurs collines rangées en demi-cercles, rendaient ce lieu particulièrement fort et de facile défense.

Fondation de la ville

Egaux en force et en autorité, les deux frères se disputèrent l’honneur de bâtir la nouvelle cité. On finit par remettre la décision aux dieux. Rémus, placé sur le mont Aventin, Romulus sur le mont Palatin, attendirent que le ciel manifestât sa volonté par quelque signe éclatant. Le premier vit six vautours : mais presque aussitôt il s’en montra douze à Romulus. Leurs compagnons crurent que ces oiseaux étaient les messagers des dieux et apportaient leur volonté. Ils se prononcèrent en faveur de Romulus, qui eut ainsi le droit de donner son nom à la nouvelle ville, Rome, et d’en bâtir les murs.

Suivant les rites étrusques, il attela à une charrue un taureau et une génisse sans tâche, et avec un socle d’airain il traça autour du Palatin un sillon qui représenta le circuit des murs, l’enceinte sacrée, le Pomerium (21 avril 753 av. J.C.). Bientôt, le rempart s’éleva; un jour Rémus, par dérision, le franchit d’un saut : mais Romulus le tua, en s’écriant : « Ainsi périsse quiconque franchira ces murs ! ». Les romains oubliant l’horreur de ce fratricide pour voir dans ce sang répandu par la main d’un frère sur les premiers fondements de leur cité, un présage pour elle d’inviolabilité éternelle.